Alzheimer ne pulvérise pas seulement la mémoire mais le temps aussi ; le temps et sa mesure qui fait que j’ai du vieillir de dix ans ces deux dernières années et que je n’ai plus jamais eu les longues plages de temps que j’avais auparavant pour faire ce que je faisais et qui était tout simplement … ma vie.
Dans un entretien, Balthus parle quelque part du temps et de sa mesure. Il dit qu’autrefois on mesurait les prés en matins. Un matin c’était la surface de pré que pouvait couvrir un homme avec sa faux en une matinée.
Je trouve cette expression tout simplement magnifique et sans doute suis-je un faucheur de ces époques révolues où le temps s’écoulait lentement au clocher des villages. Je rêve, le champ fauché, de pouvoir m’allonger sur le dos un jour d’été, avec de la paille dans les cheveux, écoutant le crissement des sauterelles dans l’herbe jaunie ; attendant avec les autres moissonneurs transpirant sous le soleil de midi que les femmes du village voisin nous apportent pour le repas les énormes miches de pain et la soupe de lard… Comme disait ma grand-mère : on a les rêves qu’on mérite.
—
Parlez des foins me fait toujours penser à cette belle phrase de Claude Roy…
Et ce magnifique texte de C.F. Ramuz sur “Ces hommes qu’on ne peut pas ne pas entendre”……
—
– Vichnou et la lenteur
Quelques bouts de nostalgie
– Nostalgie des coquelicots et du sourire de la petite boulangère
– Nostalgie des temps heureux…
– Remonter le temps en rentrant dans les tableaux
– Nostalgie des petits villages
– Quand les caractères s’incrustaient dans le papier
En relisant je me dis que peut-être le champ à faucher c’est la maladie d’alzheimer ; la faux c’est de tout évidence celle de la mort. Et que c’est alors seulement que je pourrais m’allonger sur le dos pour souffler. S’il y a encore un souffle… Combien de matins encore ? Je ne sais pas.
cher poète
de tes derniers envois, celui-ci est le plus beau.
Certainement tu connais Ramuz.
Je te souhaite de bons blogs-matins!
———
SW2 : oui bien sûr. Ramuz et surtout Gustav Roud. En fait tous les suisses : Jaccottet, Chappaz, Bouvier, Cingria et les autres. Je suis suisse dans l’âme. J’ai besoin de montagnes enneigées, d’alpages, de gentianes bleues, de mazots noirs, de trolls jaunes, d’alpenhorns …