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“Toute l’année est jolie…”
On se demandait tout à l’heure, avec Sabrina, quel était le mois de l’année que nous préférions… Et comme on les aimait tous – comme Sei Shônagon – je remets ici ce vieux post de 2003 pour qu’il nous rafraîchisse la mémoire…
Sei Shônagon était dame d’honneur, attachée à la princesse Sadako qui mourut en l’an 1000. Ses “Notes de chevet” ont été composées dans les premières années du XIe siècle japonais, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de Heian. Elle écrit :
“Parmi les époques, j’aime le premier mois, le troisième mois, les quatrième et cinquième mois, le septième mois, les huitième et neuvième mois, le douzième mois ; tous ont leur charme dans le cours des saisons. Toute l’année est jolie”.
Je n’ai pas un seul mot à ajouter à ce qu’a dit Sei Shônagon. Rien. Ou peut-être juste ceci : le deuxième, le sixième et le dizième mois !
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Quelques haikus de saisons…
Voilà, je suis orphelin et inconsolable
J’avais abandonné ce pauvre blog en mai 2008 parce que la maladie d’Alzheimer de Maman était déjà trop lourde à porter. Je ne sais pas comment j’ai trouvé la force de continuer, mais j’aurai finalement tenu encore deux ans et deux mois de plus… Maman est partie hier matin et je suis désormais orphelin. Orphelin, inconsolable et exténué par ces dernières années épouvantables. Le Bon Dieu, finalement, aura eu pitié et elle sera heureusement partie détendue et apaisée. Le matin de sa mort, j’avais peur qu’elle soit triste ou crispée. Je l’ai trouvée souriante. Je ne savais pas que les morts souriaient : Maman, en tout cas, souriait…
Je vais essayer de recommencer à aller au Jardin du Luxembourg où je l’emmenais tout le temps quand elle pouvait encore se déplacer. J’irai voir les fleurs qu’elle aimait, les merles sur les belles pelouses, les canards dans le bassin, les poneys avec leurs bons yeux et les petits ânes qui promènent les enfants sur leur dos dans l’allée centrale… C’est ça qu’elle aimait. Elle avait un carnet d’adresses où elle gardait la liste de tous ses amis. Et à la lettre “A”, il y avait marqué “ânes”… Et elle avait écrit à la main tous leurs prénoms : Altesse, Aramis, Adriana, Athos, Rosette, Reinette, Mickey, Vulcain… C’est ce que je vais aller faire maintenant : aller au Jardin du Luxembourg et dire aux merles, aux petits ânes et aux grands rudbeckias jaunes qu’elle est partie.
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Rester enfant… Ou être chien, dans une autre vie
Tout à l’heure, assis sous les Paulownia mauves, je regardais les enfants jouer dans le bac à sable du petit square au pied de l’église : les uns riaient, les autres pleuraient… Tous criaient et piaillaient entre pâtés et toboggan… Moi qui n’arrive plus à séparer les choses tellement la marée noire de la tristesse alzheimer est en train de mazouter les dernières plages de bonheur qui me restaient, je me suis rappelé ces deux textes de Paul Valéry sur les enfants et les chiens qui arrivent si facilement à séparer et compartimenter leurs sentiments et à ne surtout pas mélanger bonheur et malheur :
J’aime les enfants car, quand ils s’amusent, ils s’amusent ;
et quand ils pleurent, ils pleurent ;
et cela se succède sans difficulté.
Mais ils ne mèlent pas ces visages.
Chaque phase est pure de l’autre.
Mais nous…”
Petit texte tiré de Mélange.
Et encore celui-ci, tiré de Paraboles
“Le chien heureux est tout heureux :
Il est bonheur sans ombre.
Il ne sait, il ne peut mélanger du malheur au bonheur,
Du bonheur au malheur.”
Je vais donc essayer de rester enfant le plus longtemps possible. Ou plutôt (vu mon état de délabrement) d’être chien… dans une autre vie en tout cas. Rejouer avec Switchie me fera vraiment du bien.
Et si je cassais carrément les aiguilles ?
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Dans la course à la montre contre Alzheimer, c’est évidemment alzheimer qui va gagner. C’est une course terrible où, avec chaque jour qui passe, le temps devient de plus en plus court, de plus en plus serré, de plus en plus stressant. Du coup je repense souvent au temps où j’avais le TEMPS de profiter de la vie, au temps où la vie s’écoulait lentement… Au temps où j’étais heureux en fait.
A Sienne, dans cette sublime petite ville italienne où j’aimais tant aller, il y a sur l’inoubliable Piazza del Campo, l’imposante Torre de la Mangia. Et, à mi-hauteur, une horloge qui a la particularité rare de ne pas avoir d’aiguille pour les minutes. Juste celle des heures, qui ne bouge donc pratiquement pas. Le temps sans les minutes s’écoule lentement et vous donne le temps de vivre : on se lève le matin pour prendre un premier café à un bout de la place ovale, le soleil est doux et doré comme un croissant; dès qu’il tourne, on change de café pour suivre ses rayons et on prend un autre capuccino. Vers l’heure de l’apéritif
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Youpi, tout va mal !
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Je ne sais plus très bien où j’en suis de l’évolution de la catastrophe (voir entrée du dictionnaire ci-dessous) mais je me suis rappelé aujourd’hui ce vieux conte taoïste :
Un modeste paysan vivait au nord de la Chine, aux confins des steppes hantées par des hordes nomades. Il rentra un jour en sifflotant avec un superbe cheval qu’il avait acheté à prix d’or au marché de la grande ville voisine. Quelques jours plus tard, son unique cheval s’échappe et disparait vers la frontière.
L’événement fait le tour du village et les voisins viennent tour à tour le plaindre pour sa malchance. Le vieux paysan hausse les épaules et répond imperturbablement :
– Les nuages cachent le soleil mais apportent la pluie. D’un malheur naît parfois un bienfait. Nous verrons…
Trois mois plus tard, le cheval réapparait avec à ses côtés une magnifique pouliche et son petit. Les voisins vienent à nouveau le féliciter :
– Vous aviez raison d’être optimiste, disent-ils. Vous perdez un cheval et vous en gagnez trois !
– Les nuages apportent la pluie nourricière, répond le vieux paysan, mais parfois aussi l’orage dévastateur. Le malheur se cache dans les plis du bonheur. Attendons !
Le fils aîné du paysan dressa l’étalon fougueux, prit plaisir à le monter tous les matins et ne tarda pas à faire une chute. Il failli se rompre le cou mais s’en tira avec une jambe cassée. Aux voisins qui venaient à nouveau le plaindre, le vieux paysan répondit :
– bonheur ou malheur, qui peut savoir ? Les changements n’ont pas de fin en ce monde impermanent.
Quelques jours plus tard, la guerre éclata et la mobilisation générale fut décrétée dans le tout district pour repousser l’invasion ennemie. Tous les jeunes gens valides partirent pour le front et bien peu en revinrent.
Mais, grâce à sa jambe cassée, le fils unique du vieux paysan échappa aux massacres…
Dans mon histoire, je ne sais pas très bien où j’en suis de la déroute alzheimer et peut-être qu’un jour je me réjouirai de tout ce qui me tombe sur la tête en ce moment… mais bon, pour l’instant c’est : youpi, tout va mal !
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Tenir, facile à dire !
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D’autres petits chevaux…
– Le cheval de Caligula
– Le cheval à l’intérieur du bloc de marbre
– Le cheval du Condottière
– L’élégant petit cheval du Conservatoire des Arts et Métiers
– Les naseaux bouillonnants du canasson
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Je suis peut-être à deux doigts du bonheur !
Tout le monde connait les trois petits singes du secret du bonheur : ne rien entendre, ne rien voir, ne rien dire… Ne rien voir c’est déjà presque fait avec ma cataracte qui redémarre. Ne rien dire, c’est en cours tellement je suis dépassé par tout ce qui arrive avec Alzheimer (a quoi bon dire quoi que ce soit, et à qui ?). Reste ne rien entendre… J’ai encore besoin de mes oreilles pour l’art de la fugue, les partitas, le clavecin bien tempéré, les Goldberg, les messes, les quatuors à corde et surtout le chant des merles comme ce matin dans les jardins du musée Rodin.
Faut que je vous présente mon voisin de volet…
Parfois, je dois l’avouer, je rentre chez moi assez fatigué par des journées de travail un peu bizarres où je fais un peu plus que le compteur derrière mon écran. Et le soir, en allant chercher du pain pour le dîner, je passe devant une maison avec de vieux volets en bois et des petits personnages en métal peint qui se rabattent pour que les volets ne claquent pas dans le vent. Parfois, comme ce soir, j’envie ces petits personnages d’être aussi tranquilles et contemplatifs… Pouvoir regarder passer les gens dans la rue sans s’en faire… Que du bonheur comme ils disent maintenant à la télé. En fait j’ai raté ma vocation, c’est ça que j’aurais du faire dans la vie : regarder passer les gens en empêchant les volets de claquer. C’est pas plus bête que d’être un héros de la classe ouvrière ! et de se bousiller les yeux derrière un écran d’ordinateur à faire des sites web. Et avec Photoshop je peux facilement réaliser ce rêve ;-)
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PS. Je trouve que mon voisin de volet a un petit quelque chose d’un Platon des villes. Peut-être le nez ? Demain je lui demanderai ce qu’il fait dans la vie.
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Le bonheur c’est les autres…
Dimanche des Rameaux. Je regarde KTO et le cardinal Lustiger dans la cathédrale de Chartre bondée de quelques 3000 jeunes pèlerins venus de toute l’ile-de-france pour écouter la dernière conférence de carême sur le thème du bonheur. Faisant un pied de nez à Jean-Sol Partre, (“l’enfer c’est les autres”) il lance en souriant que “le bonheur c’est les autres”. Devant 3000 jeunes, il parle du don de soi, d’aimer son prochain, de pardonner à ses ennemis, il parle d’amour, de respect de l’autre, il lit les Béatitudes… Carrément réconfortant de voir ces 3000 jeunes assis par terre dans la cathédrale, recueillis, attentifs, fervents… Pendant ce temps là, l’autre France qui ne sait même pas que le christianisme existe avait droit à du vidéo gag débile sur TF1 et une sous-série B américaine sur France 2. Pas pire sourds que ceux qui ne veulent pas entendre. Et merci à ceux, religieux ou laïques (ce n’est pas le problème), qui travaillent à redonner du sens et à saisir la profondeur géologique de ce que nous appelons encore, par abus de langage, la civilisation !
Oui, oui, je sais, de temps en temps je fais ma crise judéo-chrétienne ! Surtout en ces temps sombres de violence (je vais arrêter d’écouter les nouvelles le matin sinon je fais me couper en me rasant) et d’effondrement des valeurs du décalogue !
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Une petite suisse de poche
Une amie de Genève m’a envoyé une grande boite de chocolats dont le couvercle est une magnifique carte en relief de la suisse. Tout y est : les montagnes enneigées, les lacs, les petits villages, ça sent bon l’herbe coupée, les foins, les vaches dans les alpages…. ah enfin j’entends les cloches dans le soleil ! Je suis bien content : cet été à Paris je vais pouvoir faire plein de ballades en suisse. Quand je veux : hop je sort ma boite, et je marche sur les chemins…. Magnifique cette petite suisse de poche. Petit bohneur portatif. Merci Christine !
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“toute l’année est jolie…”
On se demandait tout à l’heure, avec Sabrina, quel était le mois que nous préférions… Et on les aimait tous, comme Sei Shônagon. Donc je remets ici ce vieux post de 2003 pour qu’il nous rafraîchisse la mémoire sur l’incroyable beauté des saisons …
Sei Shônagon était dame d’honneur, attachée à la princesse Sadako qui mourut en l’an 1000. Ses “Notes de chevet” ont été composées dans les premières années du XIe siècle japonais, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de Heian. Elle écrit :
“Parmi les époques, j’aime le premier mois, le troisième mois, les quatrième et cinquième mois, le septième mois, les huitième et neuvième mois, le douzième mois ; tous ont leur charme dans le cours des saisons. Toute l’année est jolie”.
Je n’ai pas un seul mot à ajouter à ce qu’a dit Sei Shônagon. Rien. Ou peut-être juste ceci : le deuxième, le sixième et le dizième mois !
– Hashtage #neige
– En fait j’adore l’hiver !
– Ecrire l’automne en braille
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