Et si je cassais carrément les aiguilles ?

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Dans la course à la montre contre Alzheimer, c’est évidemment alzheimer qui va gagner. C’est une course terrible où, avec chaque jour qui passe, le temps devient de plus en plus court, de plus en plus serré, de plus en plus stressant. Du coup je repense souvent au temps où j’avais le TEMPS de profiter de la vie, au temps où la vie s’écoulait lentement… Au temps où j’étais heureux en fait.

A Sienne, dans cette sublime petite ville italienne où j’aimais tant aller, il y a sur l’inoubliable Piazza del Campo, l’imposante Torre de la Mangia. Et, à mi-hauteur, une horloge qui a la particularité rare de ne pas avoir d’aiguille pour les minutes. Juste celle des heures, qui ne bouge donc pratiquement pas. Le temps sans les minutes s’écoule lentement et vous donne le temps de vivre : on se lève le matin pour prendre un premier café à un bout de la place ovale, le soleil est doux et doré comme un croissant; dès qu’il tourne, on change de café pour suivre ses rayons et on prend un autre capuccino. Vers l’heure de l’apéritif
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Au secours, je suis bloqué entre deux jours !

montre.jpg Quand les choses me résistent, je deviens carrément cinglé. Il y a deux semaines, je perdais mes lunettes. Avant hier, c’est au tour de ma montre de disparaitre. Morte. J’achète donc la Swatch la moins chère (ce que n’aurais pas du faire car elle fait un tel boucan que je n’arrive pas à fermer l’oeil la nuit). Mais bon, je marchand me la règle. On était vendredi 30. Ma Swatch affichait donc FRI 30. Tout était parfait. Aujourd’hui je regarde : elle dit SAT 31. SAT c’est juste mais il y a des gens qui défilent et banderolent dans la rue avec des klaxons et on est donc le 1er mai, jour de la fête du travail et pas le 31. Comme je veux SAT 1 et pas SAT 31, je me dis qu’il faut sûrement tourner le truc à roulette des aiguilles pour faire avancer d’une journée, …. je tourne, ça avance…. clic, ça passe bien du 31 au 1er mais paf, ça affiche SUN 1 alors que moi il me faut SAT 1… Et comme la date est accrochée au jour c’est inextricable. Comment peut-on mettre sur le marché des montres comme ça ? ça me rend dingue : je ne peux pas rester coincé comme ça entre deux informations contradictoires. C’est comme dans un ascenseur bloqué entre deux étages. Je suis bloqué entre deux dates. Help !

Les Chinois voient l’heure dans l’oeil des chats

catmontre2“Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était. Le gamin du céleste Empire hésita d’abord ; puis, se ravisant, il répondit: Je vais vous le dire.

Peu d’instants après, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux il affirma sans hésiter : Il n’est pas encore tout à fait midi. Ce qui était vrai.

Charles Baudelaire, L’Horloge, Le Spleen de Paris.

Le texte en entier

“Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était.
Le gamin du céleste Empire hésita d’abord ; puis, se ravisant, il répondit :”Je vais vous le dire.”

Peu d’instants après, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux il affirma sans hésiter :”Il n’est pas encore tout à fait midi.”
Ce qui était vrai.

Pour moi, si je me penche vers la belle Féline, la si bien nommée, qui est à la fois l’honneur de son sexe, l’orgueil de mon coeur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumière ou dans l’ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l’heure distinctement, toujours la même, une heure vaste, solennelle, grande comme l’espace, sans division de minutes ni de secondes, – une heure immobile qui n’est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d’oeil.

Et si quelque importun venait me déranger pendant que mon regard repose sur ce délicieux cadran, si quelque génie malhonnête et intolérant, quelque démon du contre – temps venait me dire : ” Que regardes-tu là avec tant de soin ? Que cherches- tu dans les yeux de cet être ? Y vois-tu l’heure, mortel prodigue et fainéant ?” Je répondrais sans hésiter :
“Oui, je vois l’heure ; il est l’éternité !”
N’est-ce pas, madame, que voici un madrigal vraiment méritoire, et aussi emphatique que vous-même ?
En vérité, j’ai eu tant de plaisir à broder cette prétentieuse galanterie,que je ne vous demanderai rien en échange”.

L’Horloge, Le Spleen de Paris. C. Baudelaire

Dormir la nuit …

jlllg44.jpg Jean-Louis t’as raison, ces derniers temps j’ai sans doute mis trop d’histoires à dominante “spirituelle” : anges, moines etc. Mais bon, il y a sans doute des raisons qui l’expliquent même si je ne peux pas trop en parler pour ne pas écrire le mot alzheimer trop souvent … En tout cas, j’étais content de ce bol d’oxygène avec toi et de ce petit vent frais de révolte que tu fais souffler (j’ai dans ma bibliothèque “La désobéissance civile” de H.D. Thoreau et vais le relire). Merci aussi pour l’histoire de ta montre ! Pour ceux qui n’étaient pas là : Jean-Louis a acheté très cher une belle montre, avec sonnerie et tout. Et comme il a perdu le mode d’emploi qui était d’ailleurs incompréhensible (genre japonais traduit du suisse en passant par le coréen du nord) il ne savait pas comment la règler. Et la montre sonnait toutes les heures. Toutes les heures du jour ça va encore mais toutes les heures de la nuit ! Tu as bien fait de t’en débarrasser Jean-Louis : t’as pas la vocation d’un moine appliquant la Règle de Saint Benoît et célébrant la louange de Dieu pendant les vigiles noctures ! (et encore la Règle de S.Benoit est moins dure que celle de S.Pacôme qui prévoyait un minimum de 36 psaumes par nuit !).

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