“Quand je vois un ver luisant, j’ai l’impression de retrouver un vieil ami” …

J’écoutais récemment, sur France culture, la rediffusion d’une masterclass avec le grand anthropologue Philippe Descola. À la fin de l’émission, il évoquait ses rendez-vous avec les oiseaux qui venaient le saluer le matin, et aussi ses vieux amis les vers luisants…

“J’ai la chance de vivre dans la banlieue de Paris et d’avoir un jardin et, au fond du jardin, une petite maisonnette qui me sert de bureau. Toutes sortes d’animaux, notamment des oiseaux, viennent me visiter quotidiennement. J’éprouve un très grand plaisir à ce qu’ils viennent comme à un rendez-vous matinal pour me saluer… J’ai vu il y a quelques jours — ça m’a fait un très grand plaisir car elles n’étaient pas présentes auparavant — des tourterelles turques…. De la même façon, j’ai découvert les perroquets Amazone qui sont en train de coloniser les espaces urbains. Ce sont des animaux échappés à la captivité. La première fois que j’en ai vu un, j’étais absolument ébahi car ce sont des oiseaux qui me sont familiers du fait de mes recherches en Amazonie équatorienne. Et donc des petites choses comme ça sont très importantes pour moi …

Cet été, par exemple, ça a l’air anecdotique mais je n’en avais pas vu depuis longtemps, j’ai revu des vers luisants dont la population est en train de s’effondrer. Mais au moins j’ai vu qu’il y en avait encore quelques uns… J’ai l’impression de retrouver un vieil ami lorsque je vois un oiseau, un animal ou un insecte que j’ai pas vu depuis longtemps et qui est là, et qui continue à résister aux conditions désastreuses de vie qu’on leur fait”.

Ces lumières agressives du monde moderne qui empêchent de contempler les étoiles de l’univers et de voir les vers luisants :

Swami Prajnanpad, (cité par Sumangal Prakash) : “Rabindranah Tagore vivait à l’époque dans une maison flottante qu’il possédait au Bengale oriental. C’était tard dans la nuit, et il était très occupé à écrire à la lumière d’une bougie… Après avoir terminé, il éteignit sa bougie et se laissa aller dans son fauteuil, regardant le ciel. Immédiatement, il se trouva face à face avec un ciel illuminé par le clair de lune. C’était la pleine lune et, pendant longtemps, il ne s’en était pas rendu compte. Tout autour de lui, autour de la petite cabane, l’univers entier était illuminé.
“Quel fou j’ai été” pensa t-il “d’avoir manqué cette merveille pendant si longtemps !”. C’est simplement quand la lumière de la bougie a été éteinte qu’il a pu découvrir le vaste océan de lumière qui avait été là pendant tout ce temps”…

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Les “lucioles” de Soljenitsyne …
“Et l’herbe se souvient au soir des vers luisants” – Aragon…

La masterclass de Philippe d’Ecola.


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