“Considero valore…”

erri-de-L

“J’attache de la valeur à toute forme de vie ; à la neige, la fraise, la mouche ; J’attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles ; J’attache de la valeur au vin – tant que dure le repas, aux sourires involontaires, à la fatigue de celui qui ne s’est pas épargné, à deux vieux qui s’aiment ; J’attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd’hui vaut encore peu de choses ; J’attache de la valeur à toutes les blessures ; J’attache de la valeur à économiser l’eau , à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s’asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi ; J’attache de la valeur à savoir où se trouve le nord dans une pièce, quel est le nom du vent en train de sécher la lessive ;
J’attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de la moniale, à la patience du condamné quelle que soit sa faute ; J’attache de la valeur à l’usage du verbe aimer et à l’hypothèse qu’il existe un créateur ;
Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues”.

*

Texte d’Erri De Luca tapé ce soir même, le 28 juin 2003, à partir d’une cassette enregistrée sur France Culture. Je n’ai que cette traduction. Dès que j’ai l’original, je le mets en ligne.

Erri de Luca :
“La poésie est le plus parfait format de la résistance !”
Il y a des textes qui me mettent de belle humeur…

Rencontrer la petite princesse avec des prunelles carrées ?

En fait j’y pense seulement ce soir en rentrant d’un dîner avec des amis : les seules petites princesses que je rêvais de rencontrer, c’est dans les galettes des rois que je les ai trouvées. C’est comme ça. Faut s’y faire.

La déception c’est tout simple, je vous explique
Je suis complètement idiot de faire confiance !

C’est décidé, je vais apprendre l’égyptien classique !

egyptien.gif
L’égyptien classique, c’est trop beau : tous ces hiéroglyphes, ces petits personnages assis en tailleur, ces oiseaux bizarres…. Mais bien sûr faut connaître la grammaire. Par exemple dans celle de Gustav Lefebvre, dans la deuxième édition pourtant revue et corrigée avec la collaboration de Serge Sauneron, imprimée au Caire par l’imprimerie de l’institut français d’archéologie orientale (MCMLV), on trouve l’erratum ci-dessus. Bon, la faute du § 688, je ne l’avais pas vue. Mais, la deuxième, celle du §760, m’avait tout de suite sauté aux yeux, et j’avais corrigé de moi-même ! elle tombait sous le sens !

Erratum signalé par Franckie, mon très cher petit cousin adoré.

“Ma tête était une mappemonde et un canari assis sur le sommet de ma tête chantait !”

“Je devais avoir quatre ans lorsque, un jour de Nouvel An, mon père m’offrit un canari et une mappemonde comme cadeau de bonne année. Après avoir soigneusement refermé les portes et les fenêtres de ma chambre à coucher, j’ouvrais grand la cage et laissais le canari voler librement… Il avait pris l’habitude de s’asseoir au sommet du globe et chantait pendant des heures et des heures pendant que je l’écoutais en retenant mon souffle… Je pense que cet événement extrêmement simple a influencé ma vie bien davantage que tous les livres et tous les gens que j’ai été amené à rencontrer ultérieurement. Parcourant inlassablement le monde pendant des années, accueillant tout et renonçant à tout, j’ai senti que ma tête était une mappemonde et qu’un canari était perché au sommet de ma pensée et chantait”.
Nikos Kazantzaki

Un texte de Kazantzaki que je trouve renversant de beauté
Toutefois, je vous assure que…
Parfumer les ragoûts à la Légion d’honneur
L’escargot archange

Le canari de Milosz s’est envolé !

“toute l’année est jolie…”

Sei Shônagon

On se demandait tout à l’heure, avec Sabrina, quel était le mois que nous préférions… Et on les aimait tous, comme Sei Shônagon. Donc je remets ici ce vieux post de 2003 pour qu’il nous rafraîchisse la mémoire sur l’incroyable beauté des saisons …

Sei Shônagon était dame d’honneur, attachée à la princesse Sadako qui mourut en l’an 1000. Ses “Notes de chevet” ont été composées dans les premières années du XIe siècle japonais, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de Heian. Elle écrit :

“Parmi les époques, j’aime le premier mois, le troisième mois, les quatrième et cinquième mois, le septième mois, les huitième et neuvième mois, le douzième mois ; tous ont leur charme dans le cours des saisons. Toute l’année est jolie”.

Je n’ai pas un seul mot à ajouter à ce qu’a dit Sei Shônagon. Rien. Ou peut-être juste ceci : le deuxième, le sixième et le dizième mois !

*

La Libération en couleurs

deGaulle02
.
Il y a quelques jours, ils ont passé à la télé un documentaire de l’époque de la Libération avec des films tournés en couleurs. Stupéfiant de voir le nazisme autrement qu’en noir et blanc ! Je peux vous dire que c’est pire en couleurs parce qu’on voit que c’est pas de l’histoire ancienne, du temps où tout était noir et blanc. Enfin, ce que je veux dire c’est que ce n’est pas un truc qui ne risque plus de se reproduire aujourd’hui. En noir et blanc on se dit : c’était eux. En couleurs, on se dit : ça pourrait être nous ! La rue de Rivoli en couleurs, les champs-Elysées en couleurs et les nazis en couleurs…. Hier n’est pas avant aujourd’hui. Hier c’est aujourd’hui. Bon, j’suis pas très clair ce matin mais tant pis.

Quoi qu’il en soit, je retrouve ce montage que j’avais fait à l’époque pour des amis d’Allemagne de l’Est – qu’on appelait à l’époque RDA ou DDR. J’étais allé faire un pélerinage dans toutes les villes où avait vécu Jean-Sebastien Bach. Et je voulais les associer à un grand moment de Libération ! Donc il y a André à gauche, moi, sa femme Kathrin et le consevateur de la bibliothèque de Dresden… Memories are made of this. Nostalgie ! Je n’avais pas photoshop à l’époque et donc c’est fait à la paire de ciseaux. Aujourd’hui je ferais sans doute mieux, enfin j’espère.

A quoi ça sert ?

Delécluze demandait à Stendhal : “A quoi sert le dôme de Saint-Pierre ?”.

Stendhal :

“A faire battre le coeur !”

A quoi sert l’oiseau qui chante dans la cour ? A faire battre le coeur ! A quoi sert la lumière dorée qui tombe sur ma tartine de miel ce matin ? A faire battre le coeur. A quoi sert l’aria des Variations Goldberg que j’écoute en buvant mon café ? A faire battre le coeur.
.
Qu’est ce qui nous ouvre le ciel ?

“Le Petit Herbier de l’Eveil”

herbier_vezere2.jpg

Ci-dessus, le Tome VII/3 du “Petit Herbier de l’Eveil” datant du XVIe siècle, actuellement la propriété insaisissable des Archives de l’Arche (sous la cote n°7-7-83-24-12-93). Le folio 6, à gauche, représente une espèce de nos jours disparue, qui fleurissait, croit-on, dans une région située à quelques kilomètres après Noël, au nord-est de ré mineur. Le folio 7, à droite, est très certainement la rarissime Ciaconna de la Comète, bien connue des lamas tibétains pour favoriser la méditation et l’éveil. La couleur brun-rouille qui apparaît sur le cliché ne doit pas induire en erreur : à l’aube, lorsque le ciel est à l’orient tout rose et que l’horizon se couvre de bel azur limpide, la Ciaconna apparaît dans toute sa splendeur, pourpre bordée de beaux reflets verts nacrés. L’espèce, également disparue, refleurirait actuellement, dit-on, en Dordogne, au lieu dit Dhagpo Kagyu Ling, au-dessus de Saint-Léon de Vézère.

Quelle est la durée de vie des oiseaux ?

medaille.jpg Je me demande bien combien de temps vivent les oiseaux. Les chiens, je sais, c’est beaucoup trop court. Mais j’ai lu à la Bibliothèque Nationale que le 30 juin 1843, un habitant de l’Ile Saint-Louis à Paris avait trouvé une hirondelle qui portait autour du cou une petite chaine d’argent avec une plaque sur laquelle était écrit “1724”. Cette hirondelle avait donc alors au moins 129 ans… J’aime bien les hirondelles ! (t’as raison Jamie, j’aurais du être ornithologue ! comme mon grand père paternel).

Les étourneaux de la Bibliothèque Nationale

Il n’y a plus de conservateur au Musée Rodin…

rodin_lierre.jpg Bon, autant le dire carrément, le conservateur en chef du musée Rodin me tape carrément sur le système. Il y a un an, il avait fallu que je lui adresse deux lettres pour qu’il daigne enfin descendre de son auguste piédestal pour faire couper un lierre qui étouffait un magnifique bouleau. Plus d’un an après, je constate que si le lierre a bien été sectionné, il est toujours là, sans que personne ait jugé utile – ni même élégant – d’arracher les feuilles mortes pour dégager le tronc du très beau bouleau. Je trouve ce comportement pathétique. Ils sont là parce que nous les payons ; et ils sont là pour exercer des responsabilités patrimoniales ; pas pour occuper des places ou gérer leurs propres carrières ! Ils ont pour mission d’entretenir et gérer le patrimoine et ils doivent le faire. Sans qu’on ait à leur envoyer plusieurs lettres de rappel. C’est leur mission, c’est leur travail, c’est leur métier ! S’ils ne veulent pas le faire, qu’ils quittent les lieux et laissent la place. Vous voyez, je suis hors de moi tellement ce type m’énerve (de ne pas avoir fait le boulot et de ne pas avoir répondu à ma lettre pourtant polie).

murrodin2.jpg Mais il y a pire : en mai 2002, j’avais à nouveau pris la peine de lui écrire pour attirer son attention sur les risques que faisait peser le poids d’une branche sur les tuiles du vieux mur qui longe le jardin. (photo ci-contre). Pour avoir vécu longtemps dans une vieille propriété avec de grands arbres, je sais que si la branche pèse trop, la tuile éclate, et alors l’eau de pluie rentre dans le mur et puis c’est le mur qui éclate à son tour et tout s’écroule… Donc, il y a plus d’un an, j’ai écrit au conservateur. Il n’a rien fait : hier, je passe devant le mur : la branche est toujours là. Le conservateur ne conserve rien. S’il n’aime pas son boulot, qu’il en change ! Arggghhh !

Fête de la musique… les oiseaux de la cour aussi

Quies

Hier soir, fête de la musique, pas mal de bruit. Pour dormir je me mets des petits bouchons dans les oreilles : silence absolu, nuit céleste ! Au moment où je les retire, ce matin, d’un coup, ma tête est envahie par un formidable concert de chants d’oiseaux qui font la fête dans les tilleuls de la cour ! Plus ça va et plus je comprends Saint François d’Assise : parfois les hommes sont tellement bêtes qu’il vaut mieux carrément discuter avec les oiseaux. Mais bon, faut pas le dire sinon on dit que vous êtes misanthrope ! Le petit Robert donne ces synonymes : “atrabilaire, sauvage, solitaire insociable, ours”. Tiens, pourquoi “ours” ? J’pige pas qu’on puisse qualifier les animaux comme cela. C’est avec des a-priori stupides comme cela qu’on a qualifié certaines espèces de “nuisibles” et qu’on les a exterminées. Quand j’étais petit il y avait des tas de hannetons, y en a plus. Et les chouettes aussi ils ont dit que c’était “nuisible”, et les renards aussi…. Bon je ne fais pas la liste mais je vais écrire à ce Robert pour qu’il retire l’offence faite à l’ours dans son dico nuisible. Ours toi même !

Roméo à Rothschild

oeil_Romeo_juliette
.
Bon, je rentre de Rothschild. Deuxième opération de la cataracte. Tout s’est super bien passé. Je ressort avec un bel oeil tout neuf ; tout est lumineux, même beaucoup trop lumineux et je tape ce texte avec des lunettes noires. Mais comme c’est carrément hyper éblouissant, je ne vais pas en faire des tartines ce soir.

Juste pour dire que dans la salle d’anesthésie il y avait une fille allongée qui dormait. On me pousse sur mon lit à roulettes et on me met carrément à coté d’elle. Très jolie et jeune alors que la semaine dernière il n’y avait que des vieux de quatre vingt dix ans. Elle a comme moi les habits bleus en papier qu’on vous met dans les hôpitaux pour les opérations chirurgicales. Avec ces horribles petits chapeaux de papier qu’on vous met sur la tête…

Enfin bon, ils surveillaient son anesthésie et le compteur geiger amplifiait les battements de son coeur : “bip, bip, bip”… Allongés l’un à coté de l’autre, tous les deux seuls dans cette salle, on avait l’air de deux gisants. Moi,- vous me connaissez – avec mes lectures débiles, je pense tout de suite à Roméo allongé à coté de Juliette – forcément ! – et attendant l’effet du poison dans ses veines. “bip, bip, bip” son coeur bat à haute voix dans la salle de réa. Comme j’avais l’air plutôt nul avec mon chapeau bleu enfilé sur ma tête j’étais plutôt content qu’elle dorme et ne voit rien ! Et puis son lit à roulette s’est éloigné : “B I P, B I P Bip bip b i p… … Et une demi-heure après c’était mon tour. J’avais tellement peur qu’on me crève l’oeil que j’ai complètement oublié de demander son prénom au chirurgien, juste comme ça, pour savoir si elle s’appelait Juliette.

J’aime beaucoup cette femme… mais alors vraiment très beaucoup

Bon ça n’a rien à voir mais “Jo Bradley” est mort. Audrey Hepburn, qui jouait avec lui dans Roman Holidays, avait dit de lui : “Il faisait voir la simplicité des grands hommes et la grandeur des gens simples”.Voilà, je trouve la phrase très belle. Audrey Hepburn aussi. Et la fille ci-dessous aussi…

femme10.jpg

“Ce ne sont pas les lettres qui forment les mots….”

“Ce ne sont pas les lettres qui forment les mots : ce sont les mots qui forment les lettres : dès lors s’écroule la théorie de l’univers, coup réussi d’une partie de dés qui se joue dans l’infini du temps”.

Paul Claudel, 1908 (Pléiade vol. 1 page 54).

Claudel reprend ailleurs la même image : “… ce ne sont pas ls mots qui créent l’Illiade, c’est l’Illiade qui crée les mots ou les chosit… Ainsi se détruit la théorie du hasard créateur”.

L’annuaire des PTT

Ils ont déposé hier devant la loge de ma concierge des piles d’annuaires des PTT. J’ai feuilleté et me rends compte qu’en fait tout Paris (qui doit avoir des millions d’habitants) tient dans ces deux petits volumes. On est serrés comme des sardines, les uns contre les autres et c’est écrit si petit que je ne peux même pas lire. J’avais l’impression de chercher mon nom comme sur un Mémorial, comme sur la liste infinie des morts de la guerre du Viet-Nam ou de la guerre de 14; mais c’est un mémorial où il n’y aurait que des vivants, ouf. Mais ça fait drôle de voir qu’on est tous là, serrés comme des pauvres numéros. Enfin, bon, j’aime pas tellement : c’est comme dans le métro à 18h, trop bondé. En fait vous savez à quoi je pense quand je regarde ces annuaires ? que j’aimerais vivre dans un endroit où le bottin du téléphone ne compterait qu’une centaine de noms, quelques vaches, des cloches qui résonneraient dans l’air pur des alpages, des chiens qui s’amuseraient à faire courir les moutons, quelques gentianes bleues, quelques trolls jaunes… Ici il y a trop de tout : trop de bruit, trop de pollution, trop de voitures, trop de gens, trop de tout en fait. Normal que notre ballon vole si bas : faudrait lâcher du lest ! Moi j’veux bien sauter du bottin si ça peut aider…

Dire “l’Univers est fini” n’implique pas qu’il ait un bord” !

Dans le Monde d’hier soir, des astrophysiciens dissidents remettent en question le modèle standard d’un cosmos infini. Leur théorie c’est que l’univers pourrait ne pas être infini contrairement à ce qui est généralement admis. Et que l’univers réel pourrait même être plus petit que l’Univers visible. Moi avec ma double cataracte, il y a longtemps que je le sais mais bon. Il parait aussi que dire que l’univers est fini n’implique pas qu’il ait un bord ! Gloups, maman j’ai peur du vide. Peut-être vous comprenez ? Moi pas.

Après les découvertes fondamentales de Max Planck sur la mécanique quantique, Einstein écrivit : “c’était vraiment comme si on avait retiré le sol sous nos pieds, ne nous laissant plus aucun support sur lequel reconstruire”. Le fait que ces nouvelles bases, si chancelantes et contradictoires suffirent pourtant à Niels Bohr pour établir les lois principales des raies spectrales et des couches électroniques des atomes m’a semblé un véritable miracle, et le temps n’a rien changé à cette impression. J’y vois la forme la plus haute de la musicalité dans la sphère de la pensée”. (Autobiographical notes – 1949)

Bon, demain jeudi 19, je me fais opérer de l’oeil gauche à Rothschild. Je vous dirai à mon retour si l’univers réel est plus petit ou plus grand que l’Univers visible !

Le voile de la cataracte

mask2
.
Depuis des mois, une petite brume grise tombait sur mes yeux. Comme un voile cachant progressivement la vue et donc le monde. En quatre ou cinq mois tout s’est brusqument assombri. A Venise, où j’étais en mai, c’était comme si Canaletto avait pris les pinceaux de Monet : les traits étaient moins nets et tout devenait un peu brouillé. Et je ne suis pas certains d’avoir bien reconnu toutes mes Madones de Bellini auxquelles j’étais venu rendre visite. Mais bon, ça y est, je me suis fait opérer par le professeur THX à Rothschild. Qu’il soit béni pour sa dextérité et son humour ! Et de permettre ce nouveau regard sur le monde. L’oeil droit est désormais d’une luminosité étonnante, tout est incroyablement propre, les rues, les trottoirs, les murs. Comme si tout avait été lavé et ravalé pendant la nuit. Sorte de loi Malraux pour les yeux. Même le frigidaire est désormais vraiment blanc. Plus besoin de femme de ménage : tout est propre ! Le plafond aussi. Stupéfiant. Mais bon, il y a encore l’autre oeil à faire. Et ensuite on verra. Il parait que le ciel aussi sera plus bleu. Pour l’instant la gamme pantone est un peu bousculée : le ciel est un peu trop mauve à mon goût et les murs un peu trop blancs. Mais les merles sont restés noirs et ils chantent toujours aussi bien le soir sur la pelouse. Verte ?

(Masque Makonde, Tanzanie, bois, patine ocre rouge, rehauts de pigments noirs).

Ce soir les hirondelles gribouillent le ciel au fusain

Cécile R., qui est une immense artiste, m’écrit: “…lorsque je ne pourrai plus graver…”.

hirondelles_2-fusain.jpg

et je pense aux hirondelles qui ce soir s’amusent comme des folles dans le ciel au-dessus du tilleul de la cour…

“Quand vous ne graverez plus, Cécile, vous regarderez les oiseaux graver le ciel et tracer au fusain des lignes d’une précision et d’une finesse étonnantes”. C’est drôle mais il y a quelque chose dans la Création qui me submerge tellement elle est belle. Quand je rentre le soir, il y a ce ciel immence qui surplombe l’Esplanade, les oiseaux qui font des conférences bruyantes dans les platanes le long des Invalides, le parfum enivrant des tilleuls vers le métro Latour-Maubourg, et parfois des cols verts qui foncent droit en direction du musée Rodin….

Si un jour la lumière disparaissait, je ne sais pas si nous serions capables – pour essayer de la recréer – de la décrire à des hommes venus d’une autre planète ? Comment leur dire que c’était lumineux mais pas épais puisque les oiseaux volaient dedans ; que la lumière du matin était bordée de bel azur limpide, que celle du soir était à l’orient tout rose, et que celle qui tombe certains soirs sur les tilleuls de la cour est tellement parfumée qu’on est presque heureux de vivre encore pour sentir cela et y entendre piailler les hirondelles… Nous n’aurions même pas les mots pour dire qu’on avançait dans la lumière avec une ombre à nos côtés et que l’air parfois miroitait comme sur une toile de Monet. Dieu est grand !

*

Mes petites soeurs les hirondelles

Et le piano de Brahms ? oui évidemment !

glenn_Gould_wonder
.
Le plus souvent, les gens associent bizarrement le nom de Jean Sebastian Bach à Glenn Gould (dont je déteste carrément les enregistrements ; c’est sans doute impressionnant sur la plan de la mise à jour de la structure aux “rayon X”, mais ça n’a pour moi aucun sens musical comme le démontre, dès les premières notes, son Aria des Goldberg…

Ce que Gould a fait de mieux, pour moi, ce n’est pas Bach mais Byrd et Gibbons, les dernières sonates de Haydn, les pièces de Richard Strauss et le piano de Brahms (même si je préfère Julius Katchen). Voilà, c’est dit, je ne supporte pas vraiment Glenn Gould.

En tout cas il a dit parfois des choses tout à fait intéressantes – notamment cette phrase que je trouve magnifique :

“The purpose of art is not the release of a momentary ejection of adrenalin, but rather the gradual, lifelong construction of a state of wonder and serenity”.

En français ça donne :

“Le but de l’art n’est pas de libérer une soudaine éjection d’adrénalnine, mais c’est plutôt la construction progressive, sur la durée d’une vie, d’un état d’émerveillement et de sérénité”

C’est beau non ?

Mon Dieu, heureusement que ça existe !
L’émerveillement : pas seulement un court passage entre ignorance et connaissance…

Décision après discussion avec mon chirurgien

Si – après l’opération de la cataracte – j’y vois de nouveau à peu près normalement – j’ai décidé: d’acheter un appareil numérique, de me remettre à la photo et de faire un blog basique sur internet. Juste histoire de voir que quelque chose à changé dans ma façon de voir le monde. Donc voilà, je sors mes pinceaux, je taille mes crayons et je commence à écrire. N’importe quoi. Faut bien commencer son premier blog quelque part, n’est ce pas !

Tout se rétrécit de plus en plus dans ma vie


.

Quand j’étais petit, on habitait dans une très grande propriété qui était un vrai paradis. Il y avait des vieux arbres immenses, des hérissons, des montagnes de neige l’hiver, des fleurs partout – surtout une vieille glycine qui sentait si bon, et des pivoines, et des roses …
Et puis le temps a passé et j’ai vécu dans très un grand appartement – (non pas parce que j’avais beaucoup d’argent mais parce que le propriétaire avait fait un truc illégal et que pendant six ans j’ai bénéficié d’un tarif genre “loi de 1948” avec un loyer dérisoire).
Et puis le temps a passé et j’ai eu un appartement beaucoup plus petit. Mais il y avait beaucoup de lumière et un arbre incroyable dans la cour. Années de bonheur avec Switchie ma petite chienne.
Et puis quand Maman a eu alzheimer, j’ai habité dans son grand appartement mais sur le canapé du salon, juste quelques mètres carrés – le minimum vital, la taille de mon univers.
Et puis ensuite c’est mon champ de vision qui est devenu minuscule à cause d’un méchant glaucome…
Et puis un de ces jours je finirai dans un cercueil…
Donc, en fait, j’aurais tout fait à l’envers question espace vital : généralement les gens commencent petit et puis, la vie passant, ils s’installent dans des espaces de plus en plus grands. Moi, ça a été exactement l’inverse : j’ai commencé au Paradis, carrément. Et puis ça n’a cessé de se réduire. Comme mon champ de vision. Bizarre ! À Jérusalem il font exactement l’inverse avec les poteaux de l’Erouv : leur espace s’agrandit !

 

*

 

L’érouv de Jérusalem…