Je suis peut-être à deux doigts du bonheur !

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Tout le monde connait les trois petits singes du secret du bonheur : ne rien entendre, ne rien voir, ne rien dire… Ne rien voir c’est déjà presque fait avec ma cataracte qui redémarre. Ne rien dire, c’est en cours tellement je suis dépassé par tout ce qui arrive avec Alzheimer (a quoi bon dire quoi que ce soit, et à qui ?). Reste ne rien entendre… J’ai encore besoin de mes oreilles pour l’art de la fugue, les partitas, le clavecin bien tempéré, les Goldberg, les messes, les quatuors à corde et surtout le chant des merles comme ce matin dans les jardins du musée Rodin.

You can’t fool ALL of the people ALL the time !

braille2.jpg Si ma vue continue à baisser comme au cours de ces deux dernières semaines, je crois bien que je vais être obligé de me mettre au Braille ; et de prendre un chien d’aveugle… Les chirurgiens sont des menteurs : ils vous opèrent de la cataracte en vous assurant que tout va être comme au premier jour; que vous verrez la lune… tu parles ! Au bout d’un an, une deuxième couche de gris tombe et tout est de nouveau flou. Travailler sur écran devient problématique et lire quasiment impossible. Heuresement il me reste encore mes oreilles et les quatuors à cordes… Mais bon, j’enrage qu’ils ne disent jamais la vérité (chirurgiens, politiques; statisticiens, journalistes, parlementaires etc.). . Bizarre toout de même cette société où tout le monde passe son temps à mentir sur tout. Et (sauf une révolution improbable) il y a peu chance que ça change. Sauf si Abraham Lincoln avait raison : “You can fool some of the people all of the time, and all of the people some of the time, but you can’t fool all of the people all of the time.”

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Ce qui me remet en mémoire ce couplet de Bob Dylan…

Well, now time passed and now it seems
Everybody’s havin’ them dreams.
Everybody sees hisself walkin’ around with no one else.
Half the people can be part right all of the time, an’
Some of the people can be all right part of the time,
But all the people can’t be all right all of the time.
I think Abraham Lincoln said that.
“I’ll let you be in my dream if I can be in yours.”
I said that.

BOB DYLAN
Talkin’ World War III Blues
Freewheelin’
Avril1963

Mort numérique…

>airport.jpg Les bornes AirPort c’est magique. Mais quand ça ne marche pas pendant trois jours, on est littéralement coupé du monde : plus rien, plus de connexion, plus d’emails, plus d’amis, plus de blog, plus de musique, plus de sites, plus grand chose… Voilà c’était un message pour ceux qui croyaient que j’étais mort : c’était seulement une petite mort numérique.

“… leur ôter entièrement le trouble de penser”

pingoin.jpg Bon, je sais que ça part d’un bon sentiment (canicule etc) mais tout de même, il faudrait qu’ils arrêtent de nous prendre pour des débiles mentaux ! Ce matin, dans ma boite aux lettres, je trouve un prospectus que la Mairie de Paris vient d’adresser à des millions de citoyens – si on peut encore appeler ça des citoyens – et que vous avez du recevoir comme moi. Entre autres conneries ahurissantes (il y en a une bonne quinzaine), je lis qu’en cas de chaleur il faut “que je mette un chapeau”, que je ferme mes rideaux “côté soleil” et que, si je dois sortir, il faut que je “marche à l’ombre” ! Ils nous prennent vraiment pour des cons ! Je dois aussi “boire de l’eau” mais ils ne disent pas si je dois aller faire pipi. Ils disent aussi que je dois “acheter un brumisateur” et “mettre en marche mon ventilateur” : mais ils ne précisent pas si je dois l’arrêter ni à quelle heure ! Tout cela est bête à pleurer et je pense qu’il n’y a désormais plus rien à faire pour sauver ce peuple d’assistés dirigé par des nuls. Ce soir, il y a un match de foot France-Suisse mais comme la Mairie n’a pas envoyé de consignes, je me demande bien comment ils vont penser à allumer leur poste de télé ? Pathétique de vivre dans un pays qui fait régresser l’homme à cette vitesse.

Relire Tocqueville (De la démocratie en Amérique, 1840)

“Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, prévoyant, régulier et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. (tiens, ce soir, c’est la Fête de la musique, donc ils vont faire de la musique mais pas demain, forcément, ce ne sera plus la fête de la musique). En plus il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre?

Mes petites soeurs les hirondelles…

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Magnifique exposition, à la Chapelle de la Sorbonne, du célébrissime cycle franciscain peint à fresque par Giotto à Assise. Sur 62 mètres de long, 28 photographies de 2 mètres de haut transportent l’Ombrie à Paris. Et aussi “l’humilité radieuse” de François et de la vieille chrétienté du moyen âge qui est désormais la seule lumière dans laquelle je me sente à peu près bien dans le monde de cinglés d’aujourd’hui.

Cela m’a rappelé ce beau texte de Nikos Kazantsaki :

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Invitation à la lecture

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Ce soir, quelqu’un avait tracé ce beau prénom à la craie sur le trottoir. Immédiatement surgit dans ma tête cet inoubliable récit que j’ai du lire quinze fois dans la traduction de Joseph Bédier… Marc, le roi a éloigné Tristan de la cour. Pour faire comprendre à Yseut sa présence près de la fontaine, Tristan fait porter par le ruisseau des petits copeaux de bois jusqu’au château … Mais cette nuit, averti par le nain Frocin, le roi est monté dans le pin qui s’élève au-dessus de la fontaine. Clair de lune : Tristan aperçoit l’image du roi reflétée dans l’eau. Yseut, qui l’a également vu, va essayer de faire croire à son innocence par des protestations qui prendront le roi à son propre piège. “Par Dieu, créateur du ciel et de la mer, lance Yseut, ne me demandez plus jamais de venir. Car je vous le déclare tout net, Tristan, soyez certain que je ne viendrai pas. “ … Comment lâcher un livre qui commence ainsi ? Comment ne pas être pris par un rendez-vous qui commence par ce message porté par des copeaux de bois flottant sur l’eau claire ? Et on me dit qu’il y a des gens pour préférer regarder des inepties à la télévision ? Ou de la téléréalité ? On rêve !

Extend your digital life !

digital_life.jpg Sur la pub iMac, ils m’invitent à “étendre ma vie numérique”… Je reconnais que c’est bien la seule que je puisse étendre en ce moment ! Mais bon, ça fait drôle de dire aux gens que je rencontre : “vous savez, ma vie est une vraie catastrophe mais ma vie numérique, est très étendue et extrêmement épanouie” ! Il va falloir que je m’habitue à dire : “Parle à ma vie numérique, ma vie est fatiguée !” Je ne sais d’ailleurs pas combien on peut avoir de vies comme ça, indépendantes les une des autres ? Mais j’y pense tout à coup : si je vis trois vies à la fois, à ma mort je n’aurais pas 56 ans mais 168 ans. C’est débile ce truc.

Le ciel dans le caniveau

balayeur.jpg Ce matin, eau fraîche dans le caniveau. Inventaire de quelques secondes : mégots (jaunâtres) feuille de salade (verte), bouts de kleenex (blancs), épluchures (brunes), ticket de métro (violet), paquet de cigarettes (doré), des soucis (non pardon, ça c’est dans ma tête), un prospectus (jaune) pour ne pas rester célibataire, des plumes de pigeon (grises), de la tristesse (non, ça c’est encore dans ma tête), des capsules de bierre, des branches de platanes… Je les regarde s’en aller et soudain, reflet dans l’eau : le ciel (bleu) dans le caniveau, emporté par l’eau joyeuse. Il y a parfois des petits miracles dans la vie…

Autres bouts de ciels …
Le ciel comme … issue de secours !
Un petit balcon dans le ciel…
Penser à mettre le ciel dans une enveloppe
L’art quand il nous tombe directement du ciel
Qu’est ce qui nous ouvre le ciel
A riveder le stelle…
Il faut que le hasard renverse la fourmi…
Regarder le ciel en bas…
J’aime les nuages qui passent
Le jour n’est pas plus beau…

Miaou le chat d’Estelle

chatestelle24Estelle a l’âge où les mots s’apprennent à la pelle : elle sait déjà tous les noms des animaux. Elle dit miaou au lieu de chat mais elle sait déjà croTrodile et kangRourou.
Maman à l’inverse les oublie les uns après les autres. Je marche avec elle en la tenant par la main mais, pour les mots, je suis impuissant : sans que je puisse l’aider à les retenir, ils s’envolent comme des cerf-volants emportés dans le ciel de l’oubli. A la fin de la symphonie Les Adieux, (je déteste les symphonies mais bon, je vous raconte tout de même), au lieu d’un mouvement vif, Haydn a composé un adagio pendant lequel les instruments se taisent les uns après les autres, tandis que les musiciens soufflent leurs bougies et quittent leurs pupitres l’un après l’autre, laissant la scène dans le noir.

Maman éteint aussi une à une toutes les bougies des mots et le monde déjà se fait un peu moins lumineux : il n’y aura bientôt plus les couleurs pour dire les choses, plus de merles, plus de pivoines, plus d’anges de Fra Angelico non plus ; Florence et Venise disparaîtront également dans l’oubli, et les souvenirs des maisons d’enfance avec leurs vieilles glycines, et Giotto et la Bible et le nom des fleurs et celui des jours de la semaine… Beaucoup de prénoms déjà ont disparu et on se sent déjà un peu plus seuls. Quand tous les mots auront disparus que restera-t-il? Ma gorge se noue quand j’y pense et les mots – les miens – ont déjà de la peine à venir: faire une phrase me devient à moi même une entreprise dont je mesure la difficulté et donc le miracle !

On est un jour d’élections européennes : Maman aura cherché ses mots toute la journée ; pendant la soirée électorale, des politiciens lamentables et des journalistes médiocres en feront un usage méprisable fabriquant des phrases en bois avec des slogans galvaudés. Gorgias va encore gagner contre Socrate et notre démocratie va mourir de parlotte. Si ces crétins savaient ce que chaque mot renferme en lui comme puissance explosive ! Et qu’en les perdant on perd pratiquement tout ! Mais on ne se rend souvent compte que quelque chose est précieux que lorsqu’on l’a perdu c’est à dire lorsqu’il est déjà trop tard.

Et si on écoutait davantage les sourds et les muets ?

Curiacer les problèmes

david.jpg Quand on essaye de traiter tous les problèmes en même temps – surtout à la dernière minute – on fait des sacs de nœuds et on merde sur tous les sujets. L’idée est donc (oui, toujours mon obsession de l’organisation) de prendre les problèmes dans un ordre logique et de leur tordre le cou l’un après l’autre. Il y a un bon exemple du succès implacable de cette méthode, c’est l’histoire des Horaces et des Curiaces qu’on m’a apprise à l’école quand j’étais petit. Je vous raconte : plutôt que de s’épuiser dans des luttes stériles, Albe et Rome désignent des champions qui se battront pour elles. (on devrait d’ailleurs généraliser cette méthode : par exemple trois américains et trois irakiens ; ou trois palestiniens et trois israéliens… ça ferait moins de morts, mais bon c’est un autre sujet). Dans chaque armée donc, trois frères sont tirés au sort : trois Horaces pour Rome, trois Curiaces pour Albe. Au premier affrontement, paf, deux des Horaces sont tués et les trois Albains blessés. Resté indemne, le troisième Horace simule alors la fuite, puis, faisant soudain volte-face, triomphe l’un après l’autre de ses adversaires qui le suivaient à distance inégale à cause de leurs blessures. Donnant ainsi la victoire à Rome. J’appelle cette méthode “curiacer” les problèmes… Faut absolument que je fasse lire Tite-Live aux gens de mon bureau. Des fois que ça leur donne des idées.

David, le Serment des Horaces (1785).

Faut que j’interroge une chauve-souris !

titanic1.jpg C’est clair, je dois avoir un problème avec l’anticipation. Personne ne s’en soucie et, à mon bureau, je passe pour un emmerdeur parce que j’ai le malheur de dire qu’on travaillerait mieux si on n’attendait pas d’avoir ne nez sur l’événement pour réagir. Mais bon, je sens bien que je leur tape sur système et je vais arrêter parcequ’ils croient que je conteste leur travail alors que je ne parle que d’un défaut d’anticipation et de prévision. Même les chauves-souris anticipent alors je pensais que ça pouvait être une activité indispensable et pas seulement un truc superfu. Mais, bon, là où je bosse, la parade c’est de dire : “écoute éric, tu nous emmerdes, on travaille en flux tendus”…etc. Donc le Commandant du Titanic devait très certainement vivre en “flux tendu” ! C’est bête tout de même non ?

Pour les choses importantes, heureusemennt, ils anticipent tout de même : quand ils vont à un concert ou une pièce de théâtre, ils s’y prennent à l’avance pour ne pas arriver en retard ! (ce serait trop bête n’est ce pas). Donc ils savent ce que c’est. Cela me rassure parce que, pendant un moment, j’ai pensé qu’ils ne savaient pas et qu’ils pensaient que n’émettant pas d’ultrasons, ils ne pouvaient pas faire ce que fait la plus nulle des chauve-souris ! ;-)

NB. N’importe comment, avec Maman, je suis carrément sur le Titanic-Alzheimer. Anticiper n’a même plus de sens et la catastrophe est inévitable. C’est peut-être pour ça que je suis hyper sensible question anticipation !

Faut pas pousser …

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En fait maintenant, j’en suis sûr : le monde du travail est divisé en deux catégories de gens :

(1) Ceux qui savent que lorsqu’on pousse le premier domino le 345e tombera nécessairement au bout d’un certain temps (calculable d’ailleurs avec précision) et qu’on peut donc prévoir, anticiper et s’organiser pour éviter le sauve-qui-peut.

(2) Et ceux (majoritaires en France) qui continuent à dire que ce n’est pas sûr ; que les deux choses ne sont pas forcément liées ; que l’effet ne dépend pas toujours de la cause ; qu’on peut en discuter… Et qu’en tout cas, comme dans la fable du Loup et de l’agneau, le dernier domino qui en prend plein le dos n’est pas en droit de râler contre ceux de l’amont : ils n’y sont absolument pour rien et vous êtes de mauvaise foi de voir un effet et une conséquence. Et pas sympa d’accuser les petits copains. Voilà la conclusion à laquelle j’arrive aujourd’hui après une journée de bureau. (oui, vous l’avez compris : je travaille en France).

La logique de Maman en ce moment, avec Alzheimer, c’est encore une autre chose. On est lundi, je lui dis que je veux enregistrer une émission de clavecin mercredi soir. Elle me demande quel jour on est est et je réponds : lundi. Et elle : “alors on a déjà enregistré l’émission”. Alzheimer me fracasse la tête et brise le coeur. À mon bureau en tout cas elle ne serait pas dépaysée.

Pierre noire…

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Ce soir Maman ma demandé quel était mon prénom..

Eric y en a marre de tes critiques !

rails.gif Mes collègues trouvent que parfois je suis trop critique ; que j’exige trop d’organisation ; que c’est impossible dans le monde actuel. Qu’ils sont sur des chantiers tous plus urgents les uns que les autres, qu’il ne faut pas rêver, qu’on ne peut pas tout planifier, qu’il ne faut pas vouloir aller plus vite que la musique, que la pente est forte mais que la promesse est au bout du chemin, etc… En fait, je vois qu’ils ne comprennent pas très bien ce que je veux dire. Je ne veux pas aller plus vite que la musique, j’aime simplement sentir que les plans sont bien tracés. Et surtout, surtout que, faute d’anticipation, on ne va pas se planter ! Cette illustration de Richard Hess dit tout ce que je pense. Donc je n’ajoute rien. C’est évidemment moi qui ai tort : puisque la promesse est au bout du chemin, il ne faut pas critiquer un travail en cours : il n’y a en effet qu’à attendre la fin du chantier :-)

Autres aspects de la vie au bureau…
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On n’avait pas attendu 60 ans pour décorer les footballeurs !

>overlord.jpg J’ai regardé aujourd’hui les cérémonies du débarquement du 6 juin 1944, histoire de comprendre pourquoi ils en faisaient plus pour le 60e anniversaire que pour le 50e. J’ai compris mais je ne vous le dis pas. J’ai surtout appris que l’on avait décerné la Légion d’Honneur à plus de 100 vétérans ainsi qu’aux membres du commando Kieffer. La question est donc : pourquoi est ce qu’on a attendu soixante ans pour leur décerner la Légion d’Honneur ?

PS. J’ai aussi écouté le disours de J. Chirac : il a de toute évidence changé le collaborateur qui lui rédige ses discours. Cela avait de la tenue, de la hauteur et même de la fougue. Ce n’était pas encore du vrai Malraux mais presque. Donc félicitations au nouveau nègre de l’Elysée. Il a plus de talent que son prédécesseur.

PS2. Maman qui ne va pas bien m’a certifié aujourd’hui qu’elle était sur les plages du débarquement, qu’elle s’en souvient comme si c’était hier, et qu’elle marchait sur des soldats morts… Je ne vous dit pas l’accablement dans lequel je suis. Alzheimer est une maladie terrible.

charabia publicitaire étatique et nationalisé

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Dans le bus, tout à l’heure, je découvre ce nouveau slogan de la RATP : “vivre le bus” ! Non mais ils sont débiles ou quoi ? J’ ai connu des gens qui voulaient vivre leur engagement, vivre leur foi, vivre leur espérance, vivre leur vie… Mais il faut que la civilisation soit tombée dans un sacré cahos pour que ces cinglés en soient réduits à vouloir nous faire “vivre le bus” ! Bientôt ils voudront nous faire “vivre le supermarché” et pourquoi pas “vivre la boite de sardine”. J’ai honte pour eux.

21 juin : PS. Pire encore, je découvre ce soir seulement une nouvelle déclinaison de la campagne qui dit qu’il nous fau adopter “la bus attitude” (sic). Demain mon boulanger va sans doute m’inviter à adopter la “baguette attitude” ? On croit rêver en lisant ce charabia publicitaire nationalisé ! Peut-être il va falloir quitter ce pays de débiles plus vite que prévu. Avant de devenir cinglé en tout cas.

L’Escargal est un escargot speedé qui vit en troupeau dans la Pampa

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A mon bureau ils sont de plus en plus “dans l’urgence”. Forcément ce sont des gens super géniaux, donc super actifs, donc super speedés ! Ils sont à la fois au four, au moulin et au feu. Tout est urgent et c’est urgent tout le temps. Moi, je pense que l’urgence c’est l’alibi de ceux qui ne sont pas organisés, de ceux qui n’ont pas prévu à temps, ni vu venir. Les AUTRUCHES font ça. Mais je ne peux pas le dire parce qu’il sont fiers : si vous travaillez dans l’urgence c’est que vous êtes un LIEVRE dynamique, vous êtes essoufflé : c’est intense ! Enfin, bon, ils arrivent semble-t-il à s’en persuader. Mais je préfère évidemment la TORTUE au lièvre de la fable : j’aime ceux qui anticipent, j’admire ceux qui prévoient et enracinent les choses dans la durée. D’abord parce que ça marche mieux, ensuite parce que ç’est beaucoup plus élégant et enfin parce que ça laisse du temps pour d’autres choses. Les gens qui stressent parce qu’ils sont mal organisés me font honte. Ils font surtout perdre beaucoup de temps aux autres. Mais chut, il ne faut pas le dire : ils pensent que si on n’est pas un LIEVRE c’est qu’on est forcément une TORTUE ou un ESCARGOT. Et un escargot c’est pas essoufflé, donc c’est moins bien qu’un lièvre. Mais je ne vais pas tartiner là dessus.. A propos, cet après-midi, Catherine m’a envoyé ce message : “alimentes-tu tjs switchie, ton blog ? je pense que ce poème pourrait y avoir sa place. On déjeune ensemble un de ces quatre, bises. L’oiseau”. Oui bien sûr on déjeune, et voici ton Escargal :

“L’Escargal
est un Escargot Speedé qui vit en troupeau
dans les Pampas Martiennes.
Très rapide.
La chasse à l’Escargal se pratique en automne.
Seul un Cheval Vapeur est capable de rattraper
un Escargal àla course”

L’escargot de Kazantzaki

La libellule de Bashô…

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.
En coupant des poivrons ce soir dans ma cuisine, j’ai repensé à ce beau haïku de Bashô qui dit :

Une libellule,
arrachez-lui les ailes :
un piment !

Si on inverse, ça donne :

Un piment,
mettez-lui des ailes
libellule !

Dans la Divine Comédie, sur la Porte de l’Enfer, Dante lit l’inscription : “Vous qui entrez, laissez toute espérance”… Si on inverse – comme ma vie depuis quelques temps à cause d’Alzheimer – je lis au-dessus de ma Porte : “Toi qui a laissé toute espérance, tu es entré aux Enfers”. Souvent on apprend les choses par leur contraire. J’apprends pas mal en ce moment. Un peu trop à mon gôut. Je vais essayer de revenir à la libellule de Bashô :

Libellule
Dans tes prunelles :
les montagnes lointaines…

Autres libellules…
Je finirai dans une mare avec quelques libellules
Les verrières libellules du musée d’Orsay

Et ils appellent ça un “cadeau” !

foot.jpg Oui, je sais c’est de ma faute : je n’aurais pas du acheter un fromage aussi nul mais bon, c’était pentecôte, puis lundi de pentecôte et tout était fermé… Mais tout de même, l’envahissement de l’ensemble de la société par le foot est quelque chose qui me rend cinglé. Un truc aimanté avec des footballeurs à coller sur mon firgidaire, carrément la honte. Un portrait de Montaigne, Homère, Dante, Borgès, Hesse, Niels Bohr ou n’importe qui d’autre, oui. Mais des footballeurs ! Des rois, des astrophysiciens, des prix Nobels, des artistes, des philosophes à la limite – et encore, pourquoi les mettrait-on sur les fromages ? Mais si on n’a rien de mieux à mettre en avant que des footballeurs, c’est que la civilisation s’est effondrée. En tout cas, moi, je suis effondré. Les éditeurs vont peut-être bientôt nous mettre des autocollants de footballeurs sur les livres ? Pourquoi pas puisque ça fait vendre ! Allez Gallimard ! Pour me consoler je lis des poèmes persans du XIIe siècle. Cela me fait du bien. Marre du monde contemporain et de ses vedettes.

Touché par la grâce…

potato.jpg J’ai passé un bonne partie de mon week end à activer Apache pour transformer mon Mac en serveur web. Pas trop dur. Puis à installer PHP en tapant des codes barbares que je note ici pour m’en rappeler et vous faire partager ma détresse (*). Inutile de vous dire que, n’y comprenant rien, ça n’a pas été facile. Mais bon, après des heures de recherches désespérées en compagnie de Laurent qui essayait de faire la même chose (à deux on pensait aller deux fois plus vite et ça nous a tout de même pris le week-end), donc après des heures d’essais infructueux, finalement, miracle, ça a marché. Alleluia, Dieu est grand. Quoi qu’il en soit, je peux vous dire une chose : après PHP, préparer une fricassée de pommes de terre avec un simple couteau à légume est la chose la plus réconfortante que je connaisse. C’est le retour sur le plancher des vaches. On se sent heureux, presque touché par la grâce. Ah mais tiens, j’y pense, mais oui, c’était pentecôte : ce sentiment de joie intense c’était sûrement l’esprit saint.

(*) Tapez [sudo apxs -e -a -n php4 libexec/httpd/libphp4.so]
Tapez alors le mot de passe administrateur. Précédé du signe tilde. Puis : [echo ‘echo “AddType application/x-httpd-php .php” >> /etc/httpd/httpd.conf’ | sudo sh -s] Enfin on relance le serveur par [sudo apachectl graceful
voilà à quoi j’ai passé mon week end de Pentecôte !

Appartement orienté plein sud, soleil, vue imprenable sur Dôme…

pigeon.jpg Pendant tout le dimanche de Pentecôte, un pigeon n’a pas arrêté de faire des aller-retours pour construire un nid dans un des trous de la grande grue du chantier en bas de chez maman. Il déposait ses brindilles, allait en chercher d’autres, repartait, revenait… Le manège a duré des heures. Lundi de Pentecôte, il a du dire à madame pigeon : “voilà, chérie, nid terminé, regarde : vue imprenable sur le Dôme des Invalides”. Manque de pot, aujourd’hui c’est mardi, les travaux vont reprendre, la grue va se remettre à tourner et le pigeon va se rendre compte qu’il a fait son nid sur une girouette. Avec vue sur la Tour Montparnasse ou le Conseil régional. Comme si moi je choisissais un appart avec vue plein sud ou sur un jardin. Et le lendemain, pouf, l’immeuble pivote et les fenêtres donnent toutes vers le nord ou sur une gare de triage ? Arrrgggghhh. N’importe comment si l’immeuble se met à tourner comme la grue, moi je me casse. J’ai trop de vertige !