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Avec Alzheimer qui gagne du terrain tous les jours [post de 2008], j’essaye désespérément de faire entrer dans ma petite tête d’oiseau que le Paradis n’est pas un lieu mais un état ; et qu’il suffirait parfois, ici et maintenant, de pousser la porte du Jardin pour y entrer et s’y reposer un peu (mais la porte est trop lourde en ce moment, je n’arrive plus à la pousser).
Quand j’étais petit, on me répétait que le Paradis était un lieu, et comme je voyais bien que je n’y étais pas, je vivais donc dans les deux seules autres boites disponibles qui restaient : le Purgatoire ou l’Enfer ! Le Paradis c’était forcément pour plus tard … Dieu sait quand… en tout cas plus tard.
Plus tard, ayant vu dans les musées trop de peintures avec des Jardins d’Eden magnifiques, j’ai mis un temps fou à admettre que le Paradis puisse n’être pas un lieu mais un état : un état de l’âme ou de la conscience. Et qu’il fallait carrément décider d’y être pour sentir sur sa vie comme une petite brise fraîche passant sur les pivoines d’un jardin au printemps …
Parfois des merles au mois de juin, et la musique surtout, m’ont indiqué des raccourcis et fait aimer la belle phrase de Novalis sur “le Paradis qui est pour ainsi dire dispersé sur toute la terre” (1)… Mais bon, ce que savent tous les merles, les philosophes, les mystiques, les sages, les saints, les taoïstes, les chiens, les bouddhistes, les gens simples et même les coccinelles… moi, comme un âne, il m’aura fallu une vie pour le comprendre ; et encore. Si vous saviez le temps que j’ai perdu dans la vie ; et que je perds encore ! Faut vite que je révise ma géographie de l’Au-delà et de l’être-là…
“Le paradis est pour ainsi dire dispersé sur toute la terre (…) Ses traits épars doivent être rassemblés”
Novalis
– Les petits bonheurs ce ne sont donc pas seulement des petits détails dérisoires mais des fragments dispersés du Paradis tout entier ! De magnifiques morceaux du Paradis !
– Comme souvent, il faut juste arriver à ne pas voir le détail mais l’ensemble !
– ça m’a toujours déprimé d”avoir été chassé du Paradis…
Hieronymus Bosch. Paradis. Détail du panneau gauche du triptyque du Jugement Dernier, Vienne.
La belle phrase de Novalis : “Le paradis est pour ainsi dire dispersé sur toute la terre, c’est pourquoi il est devenu si difficile à reconnaître, etc. – Ses traits épars doivent être rassemblés – son squelette doit être rempli. Régénération du paradis”.
[“Das Paradies ist gleichsam über die ganze Erde verstreut und daher so unkenntlich etc. geworden – Seine zerstreuten Züge sollen vereinigt – sein Skelett soll ausgefüllt werden. Regeneration des Paradieses”].
Novalis, Schriften, t.3, das philosophische Werk II/ hrsg. Richard Samuel (Stuttgart, Kohlhammer, 1983, 3. Aufl.), p.446-447
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