“Je me souviens….” de mon immense fatigue à l’époque…

La semaine dernière, avec Odile, on relisait des “Je me souviens…” de Georges Perec. Beaucoup de souvenirs radieuxsont remontés à la surface. Des souvenirs de clairs jours de ma vie… Hier — sans doute parce que j’avais mal dormi à cause du mistral qui, ici, fait tomber les branches et claquer les volets — je me suis réveillé complètement épuisé. Et, comme “je me souviens”… j’ai repensé à l’époque où j’étais littéralement mort de fatigue à cause de la maladie d’Alzheimer de Maman… Je me suis souvenu d’un jour où, totalement épuisé, je m’étais m’allongé un moment sur l’herbe au pied du Dôme des Invalides, la tête entre les pâquerettes, le ciel bleu à la verticale de mes soucis, ne pensant plus à rien…

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Le poids de ce que l’on porte sur les épaules…

Une amie me disait tout à l’heure qu’elle trouvait très lourd ce qu’elle avait à porter en ce moment… Et j’ai repensé au témoignage de cette femme que j’avais entendue à l’époque — qui évoquait son pèlerinage sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle… et son envie d’abandonner à cause de l’épuisement, de la fatigue, des souffrances de ses pieds, et de ce maudit sac qui lui sciait les épaules… Et elle disait :

“Je ne demandais jamais à Dieu
de soulager mon sac…
Mais de me donner le courage de le porter !

Souvent, dans la vie, on demande de réduire le poids que l’on doit porter. Elle demandait à Dieu davantage de forces pour le porter !
— C’est très différent et très beau, non ?

*

Hieronymus BOSCH,
Jugement dernier, Triptyque (1504-08)
Akademie der Bildenden Künste, Vienna

“L’essentiel est invisible pour les yeux…”

Entre ce post et le précédent, plus de deux ans se seront écoulés

Je reviens juste quelques secondes sur ce blog (commencé en juin 2003 et abandonné en mai 2008) et je repars aussitôt. Mais je voulais juste dire encore une dernière chose simple qui servira peut-être à ceux qu’Alzheimer frappera un jour ; eux ou leurs proches. Dans la vie, les choses essentielles sont invisibles. Certaines maladies aussi. Donc si vous vous cassez la jambe au ski et qu’on vous met un beau plâtre et des béquilles, les gens vous plaindront et vous aideront à traverser la rue parce qu’ils VOIENT les conséquences de l’accident. C’est pourtant un accident banal, minuscule, mais à visibilité surlignée et (à cause des béquilles et du plâtre) à compassion amplifiée. Les gens adorent la grande déploration sur le dérisoire. Mais si c’est surper grave mais que c’est dans le cerveau, personne ne voit rien parce qu’il n’y a rien à voir précisément (sauf, à l’hôpital, l’hypocampe vu en imagerie par résonance magnétique). Et donc on a : invisible = indifférence (ou “circulez, il n’y a rien à voir” !). Et non seulement il n’y a rien à voir mais en plus les gens vous assènent des phrases du genre : “tu sais j’ai trouvé ta mère vraiment très bien…” (évidemment la maladie d’alzheimer ne fait pas pousser des cornes ni surgir d’énormes boutons verts sur les joues). Tout ça pour dire que l’indifférence des gens (en plus de l’égoïsme qui est encore une autre histoire) vient souvent de cette invisibilité ou de cette incapacité à voir ce qui est invisible… J’ai beaucoup expérimenté cette situation et voulais donc la noter ici pour qu’elle serve peut-être un jour à d’autres. Quand un aveugle arrive avec sa canne blanche, Continue reading

Je n’ai jamais connu la faim, ni la guerre…

Bon, je déprimais plutôt ce soir… Mais je me suis rendu compte
que finalement je n’avais jamais connu la faim, ni la guerre…
La vieille propriété de mon enfance a été détruite, mais pas par les bombes
J’ai toujours eu une propension étonnante à envisager le Pire
mais jusqu’à ces dernières années – avec Alzheimer qui emporte Maman et ma santé qui se déglingue – il m’avait épargné
Les dragons crachant du feu ne me collaient pas aux fesses comme maintenant
Je n’ai – heureusement – jamais marché sur des cadavres comme mon grand-père
ni vu partir des gens qu’on emmenait dans des trains pour ne jamais plus les voir revenir
Je ne suis pas allé à l’enterrement de mon père l’été dernier
mais parce que je ne pouvais pas laisser ma mère seule
Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, Continue reading

L’histoire des deux petites souris

À propos de ce que je fais pour ma mère qui souffre de la maladie d’Alzheimer, je pense souvent à l’histoire de deux souris qui tombent dans une bouteille de lait.
• La première se décourage assez rapidement car on lui répète inlassablement qu’il n’y a pas d’issue, qu’il est inutile de lutter et qu’il faut donc abandonner le combat. Bref, se débarrasser du fardeau. Sinon c’est la garantie de couler et de se noyer.
• La seconde, au contraire, décide de lutter jusqu’au bout. Elle n’est pas stupide et voit bien qu’il n’y a pas de solution et que son combat est perdu d’avance, mais elle décide de se battre. Elle continue à nager toute la nuit et, au matin, la crème battue s’est transformée en beurre et elle arrive à sortir du pot. Elle est sauvée…. Continue reading

J’ai vraiment un problème avec le XXIe siècle… et avec le temps qui passe

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Les euros, je m’y suis fait. L’heure d’été, pas vraiment. Mais l’expression “au siècle dernier” quand je parle de ce qui s’est passé il y a moins d’une dizaine d’année, je n’y arrive carrément pas. Dire “je l’ai rencontrée au siècle dernier” ou bien “j’ai lu ce livre le siècle dernier” ou bien “ma petite chienne est morte au siècle dernier” ça me semble si loin ! Si loin !

Ou alors j’ai beaucoup vieilli ces derniers temps ….

“j’étais heureux …au siècle dernier” !

Le pire c’est quand on retrouve des vieilles photos en classant ses fichiers. Et qu’on voit le temps qui s’est écoulé entre les deux colonnes ! … une trentaine d’années… peut-être même quarante. C’est à se tirer une balle.
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Décidément j’ai vraiment un problème avec le temps qui passe !
et avec mon horloge biologique qui est détraquée.
et avec ma petite chienne morte “au siècle dernier”..

Et avec le “temps-alzheimer” aussi :
La montre-baromètre ;
Explosion de la logique temporelle ;
Une boite pour savoir quel jour on est
Si Dieu me donnait juste 3 petites secondes

Mensonges par omission

S’il n’y avait pas la saucisse dans le hot dog (si je l’avais effacée dans Photoshop par exemple), vous le verriez tout de suite. Et vous diriez : “tiens, c’est bizarre, il n’y a pas de saucisse dans le hot dog”. Et on s’embarquerait dans une discussion sur la partie de droite, vulgaire (la saucisse) qui empêcherait de parler du sujet de gauche, poudré et raffiné : “mais pourquoi diable cette belle élégante du XVIIe siècle fait elle de la pub pour une marque de bière alsacienne ?” –

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Après plusieurs années d’alzheimer, j’ai compris qu’il ne faut surtout pas parler d’alzheimer : ce n’est pas un sujet poudré et élégant. Les gens n’aiment pas les détails parce que ça les ferait descendre aux Enfers et c’est mal éclairé et ça ne sent pas très bon. Dans un blog c’est pareil : il faut uniquement parler de la partie amusante, enjouée, poudrée et élégante, – psychologiquement admissible – de ce qui peux se dire sur la maladie d’alzheimer et ses terribles effets collatéraux. Dire la vérité vraie serait trop lourd – pour moi comme pour les lecteurs qui seraient choqués, baisseraient la tête, fermeraient les yeux et se boucheraient les oreilles : les gens n’aiment pas entendre les choses difficiles à avaler. Ils veulent que ce soit fun. Donc je mens inlassablement dans ce blog – par omission. Je parle “d’alzheimer” bien sûr – je prononce le mot – souvent – mais je n’aborde guère ce que les médecins appellent la “démence sénile”… Pour tout le monde, Alzheimer c’est simplement la perte de la mémoire ou ce qu’on leur montre à la télé dans des émissions grand public : des vieux sympathiques assis sur des fauteuils qu’on distrait avec des cubes ou de la pâte à modeler… Mais la partie cachée de la maladie, tous les effets collatéraux sur l’entourage (by the way l’entourage c’est moi tout seul), faut pas en parler, les gens n’aiment pas les voir. C’est pas drôle, pas poudré ni raffiné.
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En ce moment tout part en charpie

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C’est bizarre, en ce moment tout se déglingue à toute vitesse… Alzheimer et maman je n’en parle même pas. Mais mes chemises, mes chaussures, mon cerveau, mes nerfs, ma patience, ma santé : tout est usé, fusé, troué et tombe en charpie. Ma vie elle aussi tombe en quenouille. Il doit y avoir des moments comme ça dans une existence où tout arrive au bout du bout. Ma chemise verte, j’aurais peut-être encore pu la garder quelque temps. Mais mon cerveau et mes nerfs sont usés jusqu’à la corde et sont en train de craquer. Je tombe en miettes et serai bientôt bon à jeter aux moineaux. Alzheimer, c’est vraiment une maladie de merde !

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Pouvoir poser sa tête, juste un moment …

christ_jean.jpg Pour ceux qui ne le savent pas, je leur dis: la maladie d’Alzheimer est une vraie merde. Il y a ce qu’on lit dans les revues (ou plutôt ce qu’on ne lit pas parce que si on savait vraiment ce qui va arriver on ne se lèverait même plus le matin), ce que les gens vous montrent à la télé (qui n’est pas la vraie vie) et ce que vous disent la famille ou les amis (qui ne peuvent pas s’empêcher de répéter inlassablement la même phrase quand ils vous rencontrent : “Mais tu devrais te renseigner tu sais, il y a des maisons pour ça non ?”) de la même façon qu’ils vous diraient que vous pouvez accrocher votre chien à un platane sur l’autoroute pour vous en débarrasser quand vous partez en vacances l’été)… Et puis il y a la vie quotidienne et là je ne vous raconte même pas tellement c’est triste et dur et inimaginable. Sans parler de l’exil intérieur qui vous coupe du monde… Si je n’avais pas lu cent fois Les Cent Mille Chants de Milarépa dans ma vie, je n’aurais jamais tenu. Le pire c’est de ne pas avoir eu une seconde pour reposer sa tête. Juste souffler cinq minute. Arrêter de s’occuper de la personne qui est malade et pouvoir juste poser sa tête un moment… Juste la poser ; juste un moment. J’y pense en regardant cette belle carte que vient de nous envoyer Anne pour Noël représentant le Christ et Saint-Jean (XIVe siècle, couvent Saint-Martin, Hermetschwil). J’ai l’impression que ma fatigue date aussi du… XIVe siècle !

—–
Mort de fatigue
Et autres petits bouts d’Alzheimer …
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Plus de clé pour me remonter !

J’ai rêvé cette nuit à un petit jouet mécanique que j’avais quand j’étais petit. C’était un petit ours habillé avec des habits d’homme, avec un petit tambour et une grosse clé dans le dos pour le remonter… Dans mon rêve j’étais l’ours mais en pyjama et on avait perdu la clé pour me remonter… Les baguettes ne bougeaient mais le pire c’était que je me disais que n’importe comment j’avais toujours détesté le tambour… Et boum je me suis réveillé.

tambour1.jpg

Peut-être que le Bon Dieu en a marre…

dieu**

Peut-être que le Bon Dieu…

En ce moment dans ma vie
il y a trop de choses qui s’arrêtent
comme si le Bon Dieu en avait assez
Assez de la Création
Assez de continuer à créer

Si le Bon Dieu en avait assez
Assez de la Création
Le vent s’arrêterait de souffler
Et les rivières de couler
Et les étoiles de briller
Et les oiseaux de voler

Si le Bon Dieu en avait assez
Les galaxies s’écrouleraient
Les nuages tomberaient
Et les cerf-volants aussi

Si le bon Dieu en avait assez
Assez de faire tourner les choses
La boulangère s’arrêterait de sourire
et les enfants de jouer
La musique s’arrêterait
Et les saisons aussi

Si le bon Dieu en avait assez
Tout s’arrêterait :
Nos coeurs de battre
Les merles de chanter
Et les moines de prier

Peut-être que Dieu en a assez
Assez de la Création
Et il veut qu’on l’oublie
Alors Maman oublie les prénoms
Et le nom des fleurs et celui des choses
Et le présent et les souvenirs aussi
Même ceux du bon vieux temps où l’on était heureux
Le temps d’avant les colchiques
Quand les étés étaient blonds et paraissaient si longs
Quand l’air sentait bon la paille et l’herbe sèche
Quand il y avait des moissonneurs dans les champs
Et des bleuets et coquelicots dans les blés…

Peut-être que le Bon Dieu en a assez
Assez de la Création
Assez de tout

Moi aussi

Dieu-doigts

Ecrit le 13 septembre 2004 à 00:32

# Dieu : (posts avec le hashtag Dieu)

ALZH etc

cailloux1.jpg Il y a vraiment des jours comme aujourd’hui où je me demande bien comment je vais faire dans les semaines ou les mois qui viennent… J’ai beau essayer d’imaginer les choses, même d’envisager le pire, je n’arrive pas à le croire … Donc pas vraiment le coeur à écrire quoi que ce soit… A chaque jour suffit sa peine… On verra demain… Et demain alzheimer sera encore là hélas…

Même sans tête je continue d’avancer…

Jars2
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On m’a raconté, mais je ne sais pas si c’est vrai, que dans les cours de fermes, il y avait des jars qui, lorsqu’on leur coupait la tête, continuaient encore d’avancer pendant longtemps en marchant dans le purain…

Avec cette histoire d’Alzheimer qui me tombe dessus, peut-être je suis un jars ? ou un lapin automate qui continue d’avancer dans la vie mécaniquement… uniquement par habitude ! Il faudrait juste remonter la clé dans mon dos, me donner un petit tambour et je pourrais même faire de la musique ! Peut-être c’est bien de ne plus avoir de tête : avec maman, la mienne est trop lourde en ce moment. La vie n’a pas été bien du tout ces dernières semaines. D’où l’arrêt brutal de mon Blog mi-décembre : faut avoir le coeur léger pour faire danser les étoiles et c’est trop dur avec l’alzheimer de maman. Aujourd’hui, Jamie me dit : tu devrais tout de même continuer ton blog… alors j’essaye encore un peu. Les choses ne s’arrangeront évidemment pas mais bon, on verra bien jusqu’où je tiendrai. Dieu décidera.

Mort de fatigue
Fatigue

Moi aussi je fonctionne sur ma réserve d’énergie !

ordi_pile.jpg Je n’arriverai jamais à comprendre pourquoi les émissions qui m’intéressent sur France-Culture sont toujours programmées après minuit par Laure Adler. Cette semaine, tous les soirs, c’était à 0:40 ! et depuis cinq jours je dois donc mettre des petites allumettes sous mes paupières pour les tenir ouvertes. Mon ordinateur qui lui aussi en a marre d’attendre si tard veut se mettre en veille pour préserver le contenu de la mémoire… Et moi donc ! c’est où pour me brancher secteur ? Y a pas que les ordinateurs qui ont le droit de préserver le contenu de leur mémoire !

La mémoire de maman aussi défaille : tous les mots ont disparu…

Mort de fatigue…

dome_paquerettes.jpg

Ce week-end, temps absolument radieux. Dans l’après-midi, carrément crevé par maman et alzheimer, je m’allonge un moment sur l’herbe au pied du Dôme, la tête entre les pâquerettes, le ciel bleu à la verticale de mes soucis, ne pensant plus à rien…

Et tout à coup, drôle d’impression : j’ai la perspective que doit avoir un gisant, je veux dire que c’est ce que doivent voir les morts quand ils sont allongés dans l’herbe, avec un petit vent frais, les fleurs qui bougent sur leurs tiges et les nuages qui passent tout là haut. On a parait-il les ongles qui continuent à pousser… Je n’ai pas osé regarder et je me suis levé ! Vite, avant qu’ils ne referment le couvercle !

Fatigue

Je vais mettre des lacets USB à mes chaussures…

usbanim3.gif Je n’arrête pas de courrir entre chez moi, mon bureau, chez maman et retour et à midi et le soir, et deux fois par jour y compris week-end et dimanche de Pâques et lundi de Pâques et jours fériés… pfffooo… Pour emporter toute ma camelote numérique, je me trimballe donc avec des clés USB dans les poches et quand je lace mes chaussures le matin j’ai l’impression de nouer des cordons Fire/Wire à la place des lacets. Peut-être je deviens carrément cinglé. Je ne noue pas encore le cordon comme cravatte mais ça ne va pas tarder. Peut-être l’informatique rend fou et on ne le savait pas. Vous croyez qu’on peut se pendre avec un cordon USB ?

Maman j’ai le tournis, j’veux sortir !

hamster.gifEncore une journée de travail à me griller les yeux sur des typos minuscules beaucoup trop petites pour mes yeux. Comme disait Claude Roy, il est surprenant que le mot travail puisse désigner à la fois la journée que je passe derrière mon mac à faire des maquettes de sites internet et la journée de travail que passe Mozart à écrire des quatuors à cordes… Quand je pense à ça je n’ai plus de courage du tout. Mais bon, faut bien tenir… Ce soir aux nouvelles, des hommes politiques m’assuraient qu’ils s’étaient unis pour que ça aille mieux. Vous pensez que ça va me sortir de ma petite truc à roulette ? Avant-hier j’en ai entendu un autre qui disait qu’avec la reprise américaine ça irait mieux. Moi mon problème c’est pas la croissance américaine c’est d’arrêter de pédaler sur la roulette infernale. Et surtout qu’Alzheimer ma lâche !

Le jour je ne sais pas, mais la nuit je suis chien de berger !

arasse3
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Dîner avec Josué. Enfin un long moment de détente comme au bon vieux temps (étourneaux de Tolbiac, paradis de Novalis, agrafeuse de Paulhan et rocambolesque récit de la moquette-couleur-écureil de la BnF… ). Puis, agression brutale du digicode qui me refuse successivement code de banque, de carte bleue, du mois dernier… rien, impossible de rentrer à la niche [la fatigue sans nul doute, car la bouteille de Saumur était bien peu de chose]. Bref, plus guère le temps d’écrire quoi que ce soit dans ce foutu Blog.

Heureusement, comme tous ces derniers soirs, ma nuit est règlée comme du papier à musique : dans deux minutes, après Alain Weinstein, à 0:40 Daniel Arasse (ci-dessus) avec ses magnifiques Annonciations; puis Etiemble (1:00)… Après, je compterai les moutons (2:00). Je crois que je suis en train de devenir un excellent chien de berger ! mais bon, le matin, le chien est sur les rotules.

PS. Finalement pas d’Etiemble. France Culture est [encore] en grève. Je suis d’une humeur de chien.

“… oh mais c’est trop bête, j’aurais tellement aimé vous aider !”

bible_moehrke3Je ne sais pas si vous connaîssez cet homme de Cyrène appelé Simon, dont on parle dans les Evangiles ? Un jour qu’il rentrait tranquillement des champs, en remontant au Golgotha, il trouve un attroupement. Il y a des cris, une foule qui se presse, il se demande ce qui se passe, pousse un peu les autres pour voir par dessus leur épaules et découvre Jésus souffrant, courbé sous sa croix, avançant sous les colibets… Bon, je croyais bien connaître ma Bible et j’étais carrément, mais alors absolument persuadé que Simon de Cyrène s’était proposé d’aider à porter la croix. Eh bien pas du tout. Je viens de relire Matthieu, Marc et Luc et ils disent tous les trois qu’il a fallu le forcer. Les gens n’aident pas spontanément et c’est finalement plutôt normal, [surtout quand le type aidé n’est pas – ou n’a pas toujours été – vraiment commode – je parle de moi, évidemment, pas du Christ]. Sauf des exceptions remarquables et donc particulièrement précieuses : Marielle, Marlène, Muriel, Julia, Isabelle, Michèle et Franck, Jean-Louis et Monique, Benoît et quelques autres que j’oublie injustement … Un immense merci à tous ceux qui m’auront donné un peu de leur amitié et surtout, surtout, un peu de leur TEMPS… Et honte à ceux qui ont disparu quand la maladie est arrivée…

Post scriptum 1 : A propos de Simon de Cyrène, je ne me prends évidemment pas pour le Christ ! Je cite cette histoire, a contrario, pour rendre hommage à ceux qui – spontanément – auront proposé d’aider. J’ai donc moins de valeur – mais plus de chance – que le Christ. Alleluia !

Post scriptum 2 : ce que j’ai appris au fil des ans avec alzheimer c’est que la seule aide, vraiment LA SEULE, c’est le TEMPS. Le temps que les gens donnent pour vous aider à respirer ! Le temps qu’ils offrent en disant : “tiens, je viens pendant deux heures tenir compagnie à ta mère et tu sors te changer la tête” ! C’est ça la seule aide véritable pour ceux qui portent une personne qui a la maladie d’Alzheimer. Mais pour donner du temps il faut être de la famille ou des amis, assez proches en tout cas pour que l’heure passée soit familière et pas celle d’une “personne-de-la-Mairie-très-professionnelle-et-dévouée-tu sais Eric”. C’est ça l’aide.
Le reste ce sont des mots. Quand on est dans une tranchée avec de la boue partout, ceux qui aident ne sont pas ceux qui disent : “tu sais mon cher, tu devrais vraiment essayer de voir les choses autrement” ! Non, on est dans la boue avec des obus qui tirent dans tous les sens et il faut écoper et continuer à “vider les pots de chambre”. Et ça c’est du temps (pour ne pas dire plus) et une patience infinie…

Il y a la tête ; il y a le coeur ; et il y a le corps.
Alzheimer c’est beaucoup le corps : on ne vide pas les pots de chambre (et le reste) avec sa tête. C’est le corps qui s’occupe de ça. Le corps s’en occupe parce que le coeur le lui dit. Mais si la tête s’en mèle, le pot de chambre n’est pas vidé. Ou la croix n’est pas portée (si Simon de Sirène ne la prend pas sur ses propres épaules). Voilà ce que c’est alzheimer pour les gens qui décident de n’avoir recours que le plus tard possible au “placement” dans une… “jolie et très agréable maison tenue par des gens très professionnels tu sais Eric et qui sont très dévoués”

Ma chute d’Icare
Mensonges par omission

bible ©Volker Moehrke