« L’enfer, aujourd’hui, c’est le non-accès à la poésie. »

Dans son éditorial de la nouvelle revue “Aventures” qu’il coordonne chez Gallimard, et qui sera publiée deux fois par an, Yannick Haenel écrit :

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Apprendre vite des langues étrangères : ce sera utile dans les prochains camps de concentration …

Je me rappelle un entretien de Stéphane Hessel — en 2014 — je crois, où il évoquait la poésie et affirmait : “Elle sert beaucoup dans la vie, car elle permet de s’évader”… Se souvenant de l’asservissement dans les camps de concentration, de la faim, de la peur et du froid, S. Hessel disait : “le rythme poétique a quelque chose d’une flamme – et une flamme ça réchauffe !”

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“Ton cœur est aussi droit que la jacinthe bleue…”

Lydie Dattas — La beauté n’a que toi

“Ton cœur est aussi droit que la jacinthe bleue:
la jacinthe a glissé sa beauté dans ton âme,
ton âme qui jamais n’a copié sur personne
et ton cour qui jamais n’a douté de l’azur.
La beauté se portait garante de ton âme,
la beauté qui toujours a pu compter sur toi.
Ne détourne jamais ton regard de l’aurore:

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Et vous, qu’allez-vous faire entre le 2 et le 23 février ?

Entre le 2 et le 5 février 1922, Rilke compose vingt-six sonnets qu’il annonce ainsi le 7 à Madame Knoop :

“En quelques jours d’immédiat saisissement alors que je pensais m’attaquer à tout autre chose, ces sonnets m’ont été donnés”. ->

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Mignonne allons voir si la rose…

Je ne sais pas pourquoi me suis rappelé hier mon vieux professeur de Français qui nous faisait découvrir les poésie de Ronsard… Il arrivait en classe avec une vieille sacoche de cuir usée jusqu’à la corde, pleine de livres eux mêmes piqués de dizaines de marque-pages et de signets ; il portait une blouse beige de boutiquier et avait un bras handicapé qui l’obligeait à une gestuelle bizarre : toutes les cinq secondes, il pressait son avant-bras contre sa poitrine et poussait un sorte de soufflement épuisé qui ressemblait à une sorte de oumf… Les deux allaient toujours ensemble : le mouvement sec du bras contre son corps, et ce souffle qui s’échappait en soupape par le nez. Sa déclamation était plutôt singulière : il prononçait ainsi : “Mignonneu”, “allons voirreu”, “si la roseu”…
Un matin, il demanda à mon copain Frantz de venir au tableau réciter cette poésie…

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Une joie qui a explosé un jour comme une étoile intérieure…

giotto-etoiles

Encore un texte magnifique de Philippe Jaccottet que je trouve ce soir :

Je pense quelquefois que si j’écris encore, c’est, ou ce devrait être avant tout pour rassembler les fragments, plus ou moins lumineux et probants, d’une joie dont on serait tenté de croire qu’elle a explosé un jour, il y a longtemps, comme une étoile intérieure, et répandu sa poussière en nous. (…)

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Il y a des mots qui font vivre…

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur et le mot confiance

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“Quand on marche le soir à la lisière du temps”…

J’aime beaucoup Claude Roy et je me rends compte que, moi aussi, je me promène de plus en plus… “à la lisière du temps”…

“Quand on marche le soir à la lisière du temps
il monte soudain une bouffée d’enfance
les cris des hirondelles folles d’un préau d’école

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“Écrire pour sauver le monde”…

“On dirait que le monde se bat pour qu’il n’y ait plus aucun cœur.
C’est peut-être ce que j’ai voulu faire en écrivant :

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“Les anges ont mis le ciel dans les jacinthes bleues…”

Le ciel et l’âme

Les anges ont mis le ciel dans les jacinthes bleues,
le règne de l’azur dans les jacinthes bleues,
et le bleu de l’azur qui n’a jamais menti,
et ces bleuets trempés dans le terrible azur.

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“Les hirondelles se sont envolées avant nous”

Cardamome

Tu te réveilles
Tu te tournes vers la fenêtre
La lumière t’aperçoit
Ainsi Dieu créa la vue.
Tu te lèves dans ta plénitude
Ainsi Dieu créa les arbres.
Te voilà dans la lumière, et la lumière rit
Ainsi furent les mers et les îles.
Tu fredonnes le silence et tu fredonnes les mots
Ainsi la paix souilla la justice.

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Le vague sentiment qu’il y a eu quelque chose, autrefois …

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Le 23 novembre, donc jour pour jour — mais en 1985, Claude Roy écrivait ce poème que je trouve tout simplement magnifique… Continue reading

La grande délicatesse de la jeune fille qui a été danser…

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Tout à l’heure au Luco, juste avant la fermeture du jardin, j’ai relu dans la jolie lumière de cette belle fin d’été, quelques “minimes” de Claude Roy qui est sans doute l’écrivain-poète que je préfère… En voici quatre que je trouve tout simplement magnifiques et que je recopie en vrac :

guillemets_noirs_2_leftLes chaussures que la jeune fille qui a été danser tient à la main pour rentrer à l’aube sans faire de bruit.

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“La poésie est le plus parfait format de la résistance !”

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La poésie est une énergie qui est nécessaire dans les moments où il faut pouvoir mobiliser et extraire toute son énergie pour résister. Car dans des moments normaux de la vie, comme on peut les vivre dans notre temps, la poésie c’est une décoration, un accessoire, c’est quelque chose en plus. Mais dans les moments que j’ai connus dans notre XXe siècle, elle est le plus parfait format de la résistance.

Pendant les années 90, je me suis mêlé de la guerre à Sarajevo où je suis allé comme chauffeur de convois d’aide… Continue reading

“Toute l’année est jolie…”

Sei Shônagon

On se demandait tout à l’heure, avec Sabrina, quel était le mois de l’année que nous préférions… Et comme on les aimait tous – comme Sei Shônagon – je remets ici ce vieux post de 2003 pour qu’il nous rafraîchisse la mémoire…

Sei Shônagon était dame d’honneur, attachée à la princesse Sadako qui mourut en l’an 1000. Ses “Notes de chevet” — absolument magnifiques et dlélicieuses —ont été composées dans les premières années du XIe siècle japonais, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de Heian. Elle écrit :

“Parmi les époques, j’aime le premier mois, le troisième mois, les quatrième et cinquième mois, le septième mois, les huitième et neuvième mois, le douzième mois ; tous ont leur charme dans le cours des saisons. Toute l’année est jolie”.

Je trouve cela magnifique et n’ai pas un seul mot à ajouter à ce qu’a dit Sei Shônagon. Rien. Ou peut-être juste ceci : le deuxième, le sixième et le dizième mois qui sont aussi si beaux !
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Quelques haikus de saisons

Für-niemand-und-nichts

ATEMWENDE (renverse du souffle)

Stehen im schatten
des Wundenmals in der Luft.

Fur-niemand-und-nichts-stehen
unerkannt,
fur dich allein.

Mit allem, was darin Raum hat,
auch ohne sprache”

ce que MMD traduit ainsi :

“tenir debout, là, dans l’ombre de la blessure, dans l’air
rester là pour personne et pour rien
non connu de quiconque
pour toi seul
avec tout ce qui prend de l’espace dans cela
et même sans parole”

beige

L’arbre parle. Approche, tu l’entends ?


J’ai trouvé ce magnifique poème d’Octavio Paz sur le site toujours frémissant d’intelligence de Terres de femmes et je le copie-colle donc directement, tel quel avec mes remerciements à Angèle Paoli que j’aime beaucoup (et mes excuses pour les rejets de certains mots en bout de ligne que je n’arrive pas à faire dans cet éditeur où les non-breaking spaces n’existent pas)

ARBOL ADENTRO

Creció en mi frente un árbol,
Creció hacia dentro.
Sus raíces son venas,
nervios sus ramas,
sus confusos follajes pensamientos.
Tus miradas lo encienden
y sus frutos de sombras
son naranjas de sangre,
son granadas de lumbre.
Amanece
en la noche del cuerpo.
Allá adentro, en mi frente,
el árbol habla.
Acércate, ¿lo oyes?

Traduction française de Frédéric Magne
ci-dessous…
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Une fraîcheur comme de neige très haut dans le ciel…

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Je suis en train de lire ce poème de Philippe Jaccottet…

Tout à la fin de l’hiver
il y a ceci encore de fidèle
autant que les premières fleurs :

une fraîcheur comme de neige très haut dans le ciel,
une espèce de bannière
(la seule sous laquelle on accepterait de s’enrôler),

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Après la fin du monde j’aimerais…

riches_heures.jpg

“Après la fin du monde, j’aimerais, dans la liquidation du stock, être chargé simplement de me souvenir de l’odeur des foins juste fauchés, en juin à cinq heure du matin”. (Claude Roy)

J’ai toujours aimé Claude Roy. Et j’aimerais bien, moi aussi (je répète la phrase parce que je la trouve trop belle)
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Quand on marche le soir à la lisière du temps…

En me promenant tout à l’heure, les trois premières lignes d’un poème de Claude Roy se sont déroulées dans ma tête. J’aime beaucoup Claude Roy et je me rends compte que je me promène de plus en plus… à la lisière du temps…

“Quand on marche le soir à la lisière du temps
il monte soudain une bouffée d’enfance
les cris des hirondelles folles d’un préau d’école
ou le silence de la barque sur la rivière
à la tombée du jour quand le soleil rase l’eau qui moucheronne
ou bien la sonnette (deux fois) de l’épicerie-mercerie
où on achète après l’école les rouleaux de réglisse Zan
qui barbouille de noir et font les doigts collants

On tend l’oreille le long du voile de la brume
Quelqu’un parle à voix basse
sans qu’on puisse reconnaître sa voix
et sans comprendre les paroles
les mots chuchotés loin à l’envers du silence

claude_roy.jpg

Claude Roy, A la lisière du temps
Hôpital de la Pitié
25 août 1983

— Quelques textes de Claude Roy :
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L’infini…

J’aime beaucoup cette phrase :

« Qui est là ?
Ah très bien : faites entrer l’infini.”

Aragon

“Le Programme en quelques siècles”…

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“On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière.

On supprimera l’Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison.

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice.

On supprimera l’Amour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.

On supprimera l’Esprit de Vérité
Au nom de l’Esprit critique,
Puis on supprimera l’esprit critique.

On supprimera le Sens du Mot
Au nom du sens des mots,
Puis on supprimera le sens des mots

On supprimera le Sublime
Au nom de l’Art,
Puis on supprimera l’art.

On supprimera les Écrits
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.

On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.

On supprimera le Prophète
Au nom du Poète,
Puis on supprimera le poète.

On supprimera l’Esprit,
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.

Au nom de rien on supprimera l’homme ;
On supprimera le nom de l’homme ;
Il n’y aura plus de nom ;
Nous y sommes”.

Armand Robin, Le programme en quelques siècles, © Gallimard

Petit haïku de saison …

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C’est marrant, l’année dernière (comme aujourd’hui le vent était froid et les feuilles commençaient à tomber), j’avais mis ce haïku d’Issa :

Dans le champ près du portail,
Agaçant le chat
Tombent les feuilles mortes

Et ce soir je tombe sur une lettre dans la Correspondance de Rainer-Maria Rilke disant ;

“ce chat que j’ai observé hier boulvard Montparnasse une feuille tombait, le chat commençait à jouer avec, puis il restait assis coquettement, plein d’attente en quétant l’arbre de son rond regard vert pour qu’il lui envoie d’autres feuilles, tout disposé de jouer avec l’automne même”.

J’aime ce “jouer avec l’automne même”…

[R-M. Rilke, lettre du 21 oct 1913, Paris 17 rue Campagne Première)

Et puisque je suis dans l’automne – et les citations – voici ce que dit Cioran dans ses Carnets à la date du 29 octobre 1964 :

“Brouillard légèrement doré, et ces feuilles couleur de cuivre, au Luxembourg. Mais l’automne en moi est plus avancé encore”.

J’aime ce “l’automne en moi est plus avancé encore”… J’ai la même impression.

Peut-être que le Bon Dieu en a marre…

dieu**

Peut-être que le Bon Dieu…

En ce moment dans ma vie
il y a trop de choses qui s’arrêtent
comme si le Bon Dieu en avait assez
Assez de la Création
Assez de continuer à créer

Si le Bon Dieu en avait assez
Assez de la Création
Le vent s’arrêterait de souffler
Et les rivières de couler
Et les étoiles de briller
Et les oiseaux de voler

Si le Bon Dieu en avait assez
Les galaxies s’écrouleraient
Les nuages tomberaient
Et les cerf-volants aussi

Si le bon Dieu en avait assez
Assez de faire tourner les choses
La boulangère s’arrêterait de sourire
et les enfants de jouer
La musique s’arrêterait
Et les saisons aussi

Si le bon Dieu en avait assez
Tout s’arrêterait :
Nos coeurs de battre
Les merles de chanter
Et les moines de prier

Peut-être que Dieu en a assez
Assez de la Création
Et il veut qu’on l’oublie
Alors Maman oublie les prénoms
Et le nom des fleurs et celui des choses
Et le présent et les souvenirs aussi
Même ceux du bon vieux temps où l’on était heureux
Le temps d’avant les colchiques
Quand les étés étaient blonds et paraissaient si longs
Quand l’air sentait bon la paille et l’herbe sèche
Quand il y avait des moissonneurs dans les champs
Et des bleuets et coquelicots dans les blés…

Peut-être que le Bon Dieu en a assez
Assez de la Création
Assez de tout

Moi aussi

Dieu-doigts

Ecrit le 13 septembre 2004 à 00:32

# Dieu : (posts avec le hashtag Dieu)

“Il y a des choses que je ne dis a Personne”

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Merci à François qui, hier soir, après une journée stupide à travailler pour des gens stupides, me donne à lire ce beau poème:

….Il y a des choses que je ne dis a Personne Alors
Elles ne font de mal à personne Mais
Le malheur c’est
Que moi
Le malheur le malheur c’est
Que moi ces choses je les sais

Louis Aragon, Le fou d’Elsa

J’aime les nuages. Les nuages qui passent…

anniv
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Aujourd’hui c’était mon anniversaire…

“Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ?
– Ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ?
– Je n’ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
– Tes amis ?
– Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est restée jusqu’à ce jour inconnu.
– Ta patrie ?
– J’ignore sous quelle latitude elle est située.
– La beauté ?
– Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
– L’or ?
– Je le hais comme vous haïssez Dieu.
– Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
– J’aime les nuages. Les nuages qui passent… là-bas…là-bas les merveilleux nuages !

L’Etranger, Le Spleen de Paris – Charles Baudelaire

Merci à Mom pour la Correspondance Durrelll-Miller et les merveilleux bouquets dans les vases chinois, Candice pour les Quatuors de Haydn, Philippe pour les contes zen et les bouteilles de Pomard… Benoit pour le pot surprise avec Anne, Véronique, Vanessa, Yannick, Philippe, Laurent, Céline, … Sylvain, Corinne et Julie pour le Croze-Hermitage… Muriel pour ta fidélité… Julia, Dominique, Michèle, Franck, Marlène, Evelyne, Xavier et tous les autres pour vos gentils coups de fils, … Merci aussi aux nuages de la rue de Babylone (hier à midi) et à la pluie qui tambourine sur mes vitres (ce soir) … Le temps est déglingué… Maman et moi sommes déglingués à cause d’alzheimer, et pourtant il faudra bien aller jusqu’au bout ? Au bout de quoi ? …
Les nuages passent… là-bas…là-bas les merveilleux nuages…

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien…

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Hier soir je vais dîner avec Muriel et Jonathan. En partant, je pique en vitesse un livre dans ma bibliothèque, je descend dans le métro, j’ouvre à la première page cochée il y a longtemps et je lis :

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

Mars 1870. Arthur Rimbaud a dix-sept ans…

Chaque fois que je lis ce poème c’est le même ravissement. La vie est un miracle !

Mesurer sa vie en matins…