Testament (si je meurs…)

(version provisoire – Novembre 1996)
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Si je meurs…

Si je meurs, j’aimerais bien que ce soit en hiver
sous les flocons de neige d’un calendrier de l’Avent
Si je meurs, j’aimerais bien que ce soit en été
et qu’il y ait les abeilles et des lauriers roses
Si je meurs, j’aimerais bien que ce soit en automne
quand on fait de grands feux avec les feuilles de l’automne
Si je meurs, j’aimerais bien que ce soit au printemps
quand les merles chantent en sautillant sur le gazon
Si je meurs, j’aimerais bien que ce soit en sol mineur,
ou en ré majeur comme lorsque je jouais du luth
ou même en silence mais que les tierces et la lumière soient douces
Si je meurs, j’aimerais que ce soit en couleur
ou en noir, mais qu’il y ait des chiens à mon enterrement
et qu’ils s’amusent en se roulant dans l’herbe
Si je meurs, j’aimerais bien que ceux qui m’ont aimé ne s’en fasse pas trop
– je veux dire qu’ils ne soient pas triste, car je partirai joyeux
Si je meurs, j’aimerais qu’on me transforme en petite poudre –
fine et douce comme celle des sabliers ou de la plage de Sables d’or –
mais pourrait-on faire que ceux que j’aime
n’assistent pas au ronflement de l’incinérateur ?
je veux dire que tout celà puisse avoir été fait avant ?
Puis mes amis m’emmèneraient dans des petites enveloppes en papier
et – cela ne se fait sûrement pas mais tant pis pour la loi –
me sèmeraient sur une jolie pelouse du Luxembourg
quand les agents auront le dos tourné
Vers le coin des abeilles, et aussi dans la partie où les chiens sont admis
Si je meurs et que c’est au printemps,
on me mettra avec les pivoines.
Si c’est l’hiver, avec les pensées ou les chrysanthèmes.
En été avec les cosmos et en automne au pied des grands rudbeckias jaunes
Si je meurs et qu’il n’y a pas de fleurs, qu’au moins la terre soit belle.
S’il pleut, cela me fera plaisir car j’ai toujours bien aimé la pluie.
Et s’il fait beau, chacun saura que j’en suis très heureux.
Si je meurs – certains penseront que ça n’a pas vraiment d’importance
mais je serai heureux qu’il y ait des moineaux en bas,
et tout là haut des corneilles qui tournoient à la cîme grands platanes,
et aussi des feuilles qui tombent des vieux arbres
et si c’est en juin qu’on le dise aux oiseaux que j’aimais bien
et surtout aux merles qui ont été une véritable joie
Si je meurs, j’aimerais bien qu’on m’enterre très tôt le matin,
quand le ciel est à l’orient tout rose et bordé de bel azur limpide
Et si je meurs le soir, qu’on le dise aux étoiles qui préviendront les bouddhas
qui le diront à quelques bons lamas tibétains à qui je dis toute ma reconnaissance
Si je meurs on pourra finalement me mettre n’importe où
Pourvu que la lumière soit belle ou qu’il y ait de la neige,
et de la pluie, ou du vent ou bien rien de ce que j’avais prévu.
Mais s’il pouvait y avoir une petite cloche qui tinte dans le lointain
cela me ferait plaisir.
Le reste n’a guère d’importance.
Et si je pars plus tôt que prévu – on ne sait jamais –
Muriel, Marielle et Julia m’aideront peut-être ?
à prendre, pour Maman, les décisions que je ne pourrai plus prendre…
Merci à toutes les trois. Au moins je partirai rassuré …
Quant à la disposition de ces choses qu’on appelle les biens des hommes,
quoiqu’ils soient le plus souvent les embarras de l’âme (Pétrarque),
que dire ? mon luth à Xavier ; ma guitare à Kim, toute la collection Guillaume Budé à Franckie…

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Version provisoire – 22 novembre 1996

Le suicide de l’écureuil


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“L’écureuil – incarnation familière de la vitalité, souvent associé à l’enfance, à l’innocence – s’est suicidé… Située dans un univers de jouet, la scène n’en est que plus violente. L’artiste y juxtapose le drame du suicide et la légèreté enfantine, avec une touche comique. Et suggère la question : “Comment un écureuil a-t-il pu en arriver là ?”.

Bonne question !

La hantise des disparitions

Maurizio Cattelan, Bidididobidiboo, installation, 1996 ou “Comment un écureuil a-t-il pu en arriver là ?” (Télérama, n°2886 – Mercredi 4 mai 2005)

Je t’attends ce soir à Samarcande…

samarcande
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Conte arabe : Il y avait une fois, dans Bagdad, un Calife et son Vizir. Un jour, le Vizir arriva devant le Calife, pâle et tremblant :

“Pardonne mon épouvante, Lumière des Croyants, mais devant le Palais une femme m’a heurté dans la foule. Je me suis retourné : et cette femme au teint pâle, aux cheveux sombres, à la gorge voilée par une écharpe rouge était la Mort.

En me voyant, elle a fait un geste vers moi. Puisque la mort me cherche ici, Seigneur, permets-moi de fuir me cacher loin d’ici, à Samarcande. En me hâtant, j’y serai avant ce soir”
Sur quoi il s’éloigna au grand galop de son cheval et disparu dans un nuage de poussière vers Samarcande. Le Calife sortit alors de son Palais et lui aussi rencontra la Mort. Il lui demanda :

“Pourquoi avoir effrayé mon Vizir qui est jeune et bien-portant ?”

– Et la Mort répondit :

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