ALZH etc

cailloux1.jpg Il y a vraiment des jours comme aujourd’hui où je me demande bien comment je vais faire dans les semaines ou les mois qui viennent… J’ai beau essayer d’imaginer les choses, même d’envisager le pire, je n’arrive pas à le croire … Donc pas vraiment le coeur à écrire quoi que ce soit… A chaque jour suffit sa peine… On verra demain… Et demain alzheimer sera encore là hélas…

Si c’est mon ombre qui décide maintenant, où est qu’on va


Aujourd’hui, je me suis rendu compte d’un truc plutôt bizarre : ce matin mon ombre était dans mon dos, genre plutôt discrête, enfin pas emmerdante. Mais cet après-midi, elle était passée devant et je me traînais carrément derrière elle. En fait j’ai eu de la peine à la suivre. Je me suis donc arrêté, ai regardé mes pieds et j’ai vu le moment où elle allait me dire : “alors tu te grouilles ou quoi ?”. C’était la première fois que je sentais que je me traînais derrière elle et que je la suivais comme si elle était une autre personne.
Peut-être je n’avais pas vraiment envie d’aller là où allait mon ombre ? Possible. Faudra qu’on en parle tous les deux un de ces jours : si c’est elle qui décide maintenant, où est ce qu’on va ? Semblerait que ce soit l’ombre d’alzheimer qui rôde dans ma tête…


Quelques ombres…
L’arbre aussi fait du tai-chi
Feather of a raven
Ombres et briques
Ombres superposées…
Si c’est mon ombre qui décide…
L’ombre, un instant, le temps d’un court rayon de soleil
Et l’ombre recula de 1I dergrés

Wer wenn ich schriee, hörte mich denn aus der Engel Ordnung

E_annonciation
J’ai remarqué que lorsque la vie était trop difficile – depuis alzheimer notamment mais déjà avant – , il y avait peut-être trois choses qui me procuraient une paix intérieure quasi instantanée et une fraîcheur presque immédiate : le chant des merles, certaines pièces de Bach et cette Annonciation de Fra Angélico, en haut de l’escalier du couvent San Marco à Florence… Je l’appelle souvent intérieurement à la rescousse quand les choses vont mal et que je m’approche de ce degré de détresse dont parle R-M. Rilke : “un degré de détresse qu’entendent les anges, des ultra-rayonnements de détresse que les humains ne perçoivent pas, qui traversent leur monde épais et ne peuvent faire retentir qu’au-delà, dans la lumière d’un ange, un violet sourd, douloureux, comme l’améthyste dans sa géode”…
Quand on entend ces ultra rayonnements violets de détresse c’est évidemment que les choses ne vont plus très bien ici bas. On sait qu’on aura beau crier intérieurement, l’aide ne viendra de nulle part, comme dans la première phrase de la première Elégie de Duino : “Wer wenn ich schriee, hörte mich denn aus der Engel Ordnungen” ? (Si je criais, qui donc entendrait mon cri parmi les hiérarchies des anges ?).

En y réfléchissant, je me rends compte qu’il n’y a pas que ces trois choses qui me calment. Il faut que j’ajoute les hirondelles dans les ciels d’été, les cloches en italie, l’Aria des Goldberg, la lumière des petits matins d’été, la couleur des champs de blé dans la lumière du soir et … bon il va falloir que je fasse une liste exhaustive. J’avais commencé la liste de petits bonheurs mais il faut que je la complète sérieusement.

Fra Angelico et l’accomplissement du mystère de l’Annonciation par la lumière….

Wer wenn ich schriee…
Peut-être que Dieu en a assez…
.
D’autres anges…
L’ange de l’histoire de Klee
J’aime bien ces anges…
L’ange voleur d’étoiles,
Sûrement j’exagère
L’ange des ruines de Dresden…
J’aimerais bien que Dieu m’accorde 3 secondes !
Pourquoi Fra Angélico a t-il peint ce trou ?
Des ailes (d’ange?) pour planer au-dessus de la mort …

Oui, Mr le Préfet de police, je veux changer d’identité !

identite3.jpg Il y a des périodes de la vie qui sont si éprouvantes qu’après, on devrait changer de nom et d’identité puisqu’aussi bien on n’est plus vraiment le même. Vos amis pensent que c’est vous – forcément vous avez à peu près la même tête – mais, en réalité, vous êtes devenu quelqu’un d’autre. Il est difficile de leur expliquer ce qui s’est passé à l’intérieur. à cause d’alzheimer… et d’ailleurs à quoi bon ? Ils ne comprendraient pas et n’ont d’ailleurs pas vraiment de raison de comprendre. Le mieux est donc carrément de ne plus voir personne. C’est plus simple. Et ça évite les questions, les explications et les malentendus.

Un surplace de plus en plus immobile…

oiseau_trailor2
.
Des journées entières à protéger maman contre cette sale maladie d’alzheimer que je ne suis pas en mesure d’empêcher… Je me tiens à sa verticale, immobile dans les airs, comme ces oiseaux qui se soutiennent sur place par un très infime et quasi imperceptible mouvement d’aile… Je me rends compte que je deviens tellement immobile à force d’être attentif à la moindre évolution que je ne sais même plus si un jour je pourrai recommencer à battre des ailes comme avant… A quoi auront servi toutes ces journées d’immobilité et toutes ces années d’attention quand les ailes se replieront ? The answer is blowing in the wind comme disait Bob Zimmerman.

Oiseau en vol, peinture de Bill Traylor

J’aurais l’air de quoi si j’étais un oiseau ?
Mon autoportrait en petit singe enchaîné…
Immobilité et méditation…
Quelle est la durée de vie des oiseaux ?

“Il est évident qu’ici bas je ne suis pas dans mon élément”

cioran_175.jpg Je suis en train de lire les Carnets de Cioran. J’en suis à peine à la page 84 et il a déjà parlé trois cents fois de se suicider… A chaque page on est sur les cîmes du désespoir. Moi qui en ce moment le suis complètement (désespéré) ça me fait paradoxalement plutôt du bien ! Il fait un temps orageux, j’ai avalé plusieurs Dolipranes pour ne pas avoir mal au crâne et je vais continuer ma lecture… D’ailleurs il est clair qu’il ne va pas se suicider avant un bon moment puisque j’ai encore plus de mille pages à lire ! :-)

“Le paradis perdu, – mon obsession de chaque instant”.

“Pas un seul instant où je n’aie été conscient de me trouver hors du Paradis”

“Il est évident qu’ici bas je ne suis pas dans mon élément”

Message perso : Franck et Michèle, merci encore pour les 2000 pages des Oeuvres !

J’espère que les géraniums tiendront le coup !

message_perso.gif

Je ne crois pas les mériter mais bon, j’ai vraiment des amis formidables ! Tout à l’heure je reçois un mail de Marie-Claude me disant : ” … Je trouve ça carrément craquant d’avoir des amis comme ça ! Merci pour votre gentillesse à tous les trois. J’espère que les géraniums tiendront le coup ! Moi avec alzheimer c’est une autre affaire…

La terre mouillée sentait bon le tilleul…

pluie.jpg Ce soir, pendant que je rentrais, un orage a éclaté et une énorme pluie lourde et jaune s’est mise à tomber. En quelques secondes, il n’y avait plus personne dehors : plus un homme, plus une voiture, plus un oiseau… Je pataugeais dans les flaques en essayant de tenir mon parapluie d’une main et de faire des photos de l’autre. Soudain la lumière a basculée, l’air est devenu d’une étonnante fraîcheur et la terre s’est mise à sentir bon. Un bonne odeur de terre chaude, d’herbe mouillée et de feuilles de tilleul. J’ai eu une très curieuse impression que j’avais déjà eue il y a quelques années en Dordogne, au lieu dit Dhagpo Kagyu Ling, au-dessus de Saint-Léon de Vézère… Je le note ici pour m’en souvenir mais cela n’a évidemment aucun intérêt pour ceux qui tomberont par hasard sur ce texte. Désolé, mais c’est tout de même un blog privé !

Fluffy on ne t’oublie pas !

fluffy400471.jpg

Fluffy, juste trois petites lignes pour dire qu’on pense à toi ! Je ne suis évidemment pas un grand peintre ni très doué avec mes pinceaux numériques mais enfin, bon, voilà, maintenant tu es aussi dans mon blog. Normalement tu dois avoir retrouvé Switchie qui doit déjà t’avoir expliqué où elle a enterré ses os au Paradis ! Passez du bon temps tous les deux à les déterrer ! Hâte de vous rejoindre ! Je viendrai avec les saucisses !

Plus que quelques secondes Mr. le Président !

atomikchirac.jpg Dans la récente affaire du RER-D, certains ont parlé d’emballement médiatique, d’autres d’absence de vérification de la réalité même des faits, certains allant jusqu’à dénoncer un “manque de précaution au plus haut niveau de l’Etat” … Je ne me risquerai évidemment pas sur ce terrain n’étant pas dans le secret des dieux. Mais cela m’a fait penser que, dans un autre domaine, le Président peut déclencher en quelques secondes une riposte nucléaire aérienne, utiliser l’arme atomique navale par l’intermédiaire des SNLE et décider une riposte terrestre par l’intermédiaire de fusées équipées d’ogives nucléaires… Tout cela devant être décidé en quelques minutes (les radars viennent de détecter les fusées ennemies, il faut réagir sans délai et décider en quelques secondes ! Or on est en pleine nuit et on vient à peine de réveiller le Président …). J’espère qu’on prendra tout de même deux secondes pour vérifier “la réalité même des faits” avant de déclencher le feu nucléaire ? Pour le RER-D, on pouvait sans doute réagir moins vite. Mais qu’adviendra-t-il quand il faudra réagir vite dans une urgence internationale ? Surtout si quelques petits malins s’en mèlent pour semer la confusion ? C’est vrai, c’est marrant ce truc : on vous réveille en pleine nuit et vous avez vingt secondes pour réfléchir : le feu nucléaire ? Tapez 1. Un café noir d’abord ? Tapez 2. Allo, quoi mon général, on a été coupés ? Tapez 3 ! On me confirme que ce n’est pas une blague ? Tapez 4. Quoi, c’est trop tard ? Tapez…. [ ? ……].

Exiger pour les vaches un acte de repentance de la société !

vache.jpg

Merci Jamie de m’avoir signalé l’expo des vaches de la Place Vendôme. J’irai les voir ce week end car j’ai un amour immodéré pour elles (les vaches suisses évidemment mais surtout celle de l’Aubrac que j’adore particulièrement, avec leurs grands cils, leur rimel qui leur coule autour des yeux et leurs belles cornes non sciées).

A propos de vaches, on ne m’a toujours pas dit pourquoi il y avait eu des milliers de cadavres et pas un seul procès judiciaire ? Il devait bien y avoir le nom des producteurs sur les sacs de “farine animale”, non ? Alors pourquoi aucun producteur n’a-t-il été recherché, interrogé, poursuivi, condamné et pendu pour homicide (on dit homicide pour des vaches ?). On a eu des procès pour le sang contaminé ; rien pour la vache folle. C’était pourtant plus fort que la canicule et le Premier ministre n’a pas rendu un jour férié pour réformer le système carrément honteux de la “filière viande”. Bizarre non ?

Je veux un procès ! Et quand le procès aura lieu, j’espère qu’il y aura beaucoup de vaches dans la salle d’audience et sur les bancs de la partie civile. J’irai m’asseoir avec elles. Les hommes politiques font en ce moment de la repentance pour tout. Qu’ils le fassent également pour les vaches à qui ils ont donné à manger de la poudre de cadavres. Qu’ils demandent pardon pour les mauvais traitements qu’on leur fait subir. Que la Garde républicaine joue quotidiennement, pendant un an, des requiem en leur honneur dans la cour de l’Elysée !


et les grenouilles… Et les abeilles aussi
L’urgence de devenir végétarien…

Un belle idée de paravents

coquelicot.jpg N’aimant ni le 14 juillet ni surtout les avions qui survolent Paris à basse altitude, je suis allé ce matin me ballader au Luxembourg où il y avait une expo de paravents dont j’aime bien l’idée, les motifs et la découpe. Ils sont maleureusement présentés au Pavillon Davioud qui est à l’évidence trop petit mais bon, j’ai vu que Fabienne et Siméon avaient un site web où on se rend un peu mieux compte de ce qu’ils font. Comme je ne peux pas partir en vacances, il me faudrait trois paravents : un avec un coquelicot, un avec un champ de blé et un avec des bleuets. Comme ça j’aurai un bel été.

Encore des vaches… et d’autres vaches.

vaches_parav230155.jpg
vachesparavent230165.jpg

Le site de Fabienne et Siméon Colin

Aujourd’hui, j’ai passé quelques heures en Ouzbekistan !

boukhara.jpg Hier, Benoît m’envoyait un mail pour me dire : “je file dans quelques heures… Je penserai à toi à Tashkent et surtout à Samarcande”. C’est marrant mais pour moi ce sont des villes carrément mythiques; des villes imaginaires qui n’existaient que dans des livres ou dans des rêves et où l’on ne peut pas aller réellement, physiquement… Comme je reste à Paris à cause d’alzheimer pour m’occuper de maman, je voyage non pas avec Benoît mais avec Nikos Kazantsaki.

Voici ce que je lis dans sa magnifique Lettre du Greco : “Quand mon pèlerinage fut achevé, je suis resté quelques jours à Boukhara pour me reposer, j’ai senti, après tant de gel inhumain en Sibérie, le soleil bien-aimé tomber sur moi et réchauffer mes os et mon âme. J’étais arrivé un peu avant midi, il faisait très chaud mais on avait arrosé les rues, et l’air sentait le jasmin. Des musulmans, portant des turbans multicolores, étaient assis sous des tonnelles de chaume et sirotaient des sorbets rafraîchissants. Des enfants joufflus, la poitrine découverte,trônant sur des hauts escabeaux, dans les cafés, chantaient de passifs amanés orientaux. J’ai acheté un melon, je me suis assis à l’ombre de la célèbre mosquée de Kok-Kouba, j’ai posé le melon sur mes genoux; j’avais très faim et très soif, je l’ai coupé, tranche par tranche, et je me suis mis à manger; son parfum, sa douceur, arrivaient jusqu’à la moelle de mes os. J’étais comme une rose de Jéricho fanée; je m’étais plongé dans la fraîcheur du melon, j’avais ressuscité. Une fillette est passée, qui devait avoir sept ans; son dos était couvert d’une foule de tresses minuscules et à chaque tresse pendait un coquillage ou une pierre bleue, ou un croissant de bronze pour chasser le mauvais oeil; et tandis qu’elle passait devant moi ses hanches se balançaient comme celles d’une femme adulte et l’air a embaumé le musc. A midi le muezzin est monté sur le minaret qui me faisait face; il avait une barbe toute blanche, un turban vert; il a posé la paume de ses mains sur ses oreilles et s’est mis, en regardant le ciel, à appeler les fidèles à la prière; et tandis qu’il criait, une cigogne a plané dans l’air embrasé et est venue se poser, sur un pied, au sommet du minaret. J’ouvrais les oreilles et j’écoutais, ouvrais les yeux et regardait. Je savourais le fruit très doux et parfumé, j’étais heureux. J’ai fermé les yeux; mais j’ai craint de tomber dans le sommeil et de perdre tout ce bonheur, je les ai rouvert…(…).

Tu vois Benoit, je suis en même temps que toi à Boukhara : il fait chaud, ça sent bon le jasmin, je mange un melon, il y a une jeune fille avec des tresses-coquillages qui danse devant moi, le muezzin appelle à la prière… et, tiens, regarde, tout là haut à gauche du minaret, tu vois la cigogne ?

Ce qui me fait penser à ce conte terrible que j’ai déjà raconté ailleurs :

Conte arabe : Il y avait une fois, dans Bagdad, un Calife et son Vizir. Un jour, le Vizir arriva devant le Calife, pâle et tremblant : “Pardonne mon épouvante, Lumière des Croyants, mais devant le Palais une femme m’a heurté dans la foule. Je me suis retourné : et cette femme au teint pâle, aux cheveux sombres, à la gorge voilée par une écharpe rouge était la Mort. En me voyant, elle a fait un geste vers moi. Puisque la mort me cherche ici, Seigneur, permets-moi de fuir me cacher loin d’ici, à Samarcande. En me hâtant, j’y serai avant ce soir”.
Sur quoi il s’éloigna au grand galop de son cheval et disparu dans un nuage de poussière vers Samarcande. Le Calife sortit alors de son Palais et lui aussi rencontra la Mort :
“Pourquoi avoir effrayé mon Vizir qui est jeune et bien-portant ?” demanda-t-il.
– Et la Mort répondit : “Je n’ai pas voulu l’effrayer, mais en le voyant dans Bagdad, j’ai eu un geste de surprise, car je l’attends ce soir à Samarcande”.

Ma chute d’Icare…

La chute d’Icare de Brueghel est une toile étonnante. Outre la pathétique épopée de Dédale et Icare, elle traduit l’indifférence qui isole les hommes. Pendant qu’Icare se casse la figure et coule en agitant les jambes, un laboureur continue à labourer son champ, un berger continue à regarder le ciel, un pêcheur de dos continue à pêcher… On aimerait bien qu’ils abandonnent un moment leur charrue, leurs moutons, leurs poissons pour venir donner un petit coup de main, ou mieux un peu de leur temps…
Mais bon, c’est comme ça : il faut que le grain soit semé, que la vie continue pendant que d’autres disparaissent… Je regardais cette toile en pensant à la maladie d’alzheimer et à l’attitude des gens de ma famille : certains font comme si ils ne voyaient rien, d’autres ignorent délibérément et s’occupent d’autre chose, d’autres se rassurent en assurant qu’ils “pensent à nous”…. C’est sympa, ça de penser et ça ne prend pas trop de temps. Heureusement il y en a qui aident vraiment. Ceux-là savent que je leur en suis infiniment reconnaissant. Je sais maintenant ce que vaut le temps passé, le temps qu’on donne.

La chute d’Icare, 1555 – Pieter Brueghel l’Ancien, (1525/30-1569).
Musée Boymans-van Beuningen, Rotterdam.

Icare voulait voler. J’aurais l’air de quoi si j’étais un oiseau ?

“…du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes…”

Klee,_Angelus_novus
.

« Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble avoir dessein de s’éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées.

Tel est l’aspect que doit avoir nécessairement l’ange de l’histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d’événements, il ne voit qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus.

Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne peut plus les refermer.

Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.»

Walter Benjamin, Thèses sur la philosophie de l’histoire
[texte de Wikipedia]
Angelus Novus, aquarelle de Paul Klee, 1920
.
D’autres anges…
J’aime bien ces anges…
j’aime tellement cette Annonciation…
L’ange voleur d’étoiles,
Sûrement j’exagère
Wer wenn ich schreiee
L’ange des ruines de Dresden…
J’aimerais bien que Dieu m’accorde 3 secondes !
Pourquoi Fra Angélico a t-il peint ce trou ?
Des ailes (d’ange?) pour planer au-dessus de la mort …


L’IRM cervicale a fait d’immenses progrès
Les journées avec Alzheimer

Faire sauter l’immeuble oui, en faire cadeau à l’assureur non !

gaz.jpg Le plombier qui est venu hier m’a signalé que si je faisais sauter l’immeuble en oubliant de fermer le gaz, l’assureur ne me rembourserait rien parce que le tuyau (comme c’est marqué dessus) aurait du être changé depuis… 1997. Ce n’est évidemment pas très intéressant à mettre dans un blog, je le reconnais, mais je vous le signale tout de même car vous êtes certainement comme moi, assez inattentifs à ce genre de détails. Allez dans la cuisine vérifier votre tuyau et vous verrez ! Vous me direz : “si je décide de me suicider par le gaz, je me moque complètement d’être remboursé !”. Vrai. Mais bon, tant qu’à faire, autant ne pas faire cadeau de l’immeuble à l’assureur ;-)

Habiter carrément dans le garde-manger !

>magnolia_abeilles.jpg Il y a, au coin de l’avenue, un immense magnolia grandiflora qui fleurit en ce moment : fleurs immenses et magnifiques dessinant une coupe arrondie dans lesquelles se régalent les abeilles. Je les ai observées un long moment : à l’abri de la pluie sous d’énormes pétales d’un blanc épais et crémeux, elles se roulent dans le pollen, carrément installées dans le garde-manger ! Mon rêve : être dans une maison comme dans les livres de mon enfance, en massepin ou en sucre d’orge et que je pourrais manger quand j’en aurais envie : manger les tables et les canapés en caramel, avaler les tableaux et les oreillers en sucre, peut-être même manger une ou deux porte ? (pourquoi pas si elles sont en chocolat blanc ?). Peut-être que je deviens cinglé ? Bon, à part cet aveu d’ogre boulimique (parait que c’est pour me calmer les nefs que je mange comme un malade en ce moment et vais devenir obèse) j’ai découvert que le nom de magnolia avait été créé en l’honneur d’un certain Pierre Magnol (1638-1715), médecin botaniste, directeur du jardin botanique de Montpellier et créateur du classement des plantes par familles généralisé ensuite par Linné (comme les magnolias existaient de toute évidence en Chine avant Monsieur Magnol, je ne sais pas comment on les appelait avant). Pendant que j’y suis, je vous signale également que j’ai appris par Jacques Brosse que le camélia devait son nom à Georg Joseph Kamel à qui Linné le dédia; que le Forsythya jaune fut créé en l’honneur de l’horticulteur William Forsyth, surintendant du Jardin des Apothicaires à Chelsea puis des Jardins royaux de Kensington et de Saint-James ; et que le fuchsia a été nommé en hommage au botaniste suisse Leonard Fuchs mort en 1565. Je n’ai jamais su comment écrire fuchsia; Maintenant que je sais que ça vient de Fuchs, je saurais désormais où mettre le “s” ! On en apprend des choses tout de même en regardant les abeilles, non ?

Même sans tête je continue d’avancer…

Jars2
.
On m’a raconté, mais je ne sais pas si c’est vrai, que dans les cours de fermes, il y avait des jars qui, lorsqu’on leur coupait la tête, continuaient encore d’avancer pendant longtemps en marchant dans le purain…

Avec cette histoire d’Alzheimer qui me tombe dessus, peut-être je suis un jars ? ou un lapin automate qui continue d’avancer dans la vie mécaniquement… uniquement par habitude ! Il faudrait juste remonter la clé dans mon dos, me donner un petit tambour et je pourrais même faire de la musique ! Peut-être c’est bien de ne plus avoir de tête : avec maman, la mienne est trop lourde en ce moment. La vie n’a pas été bien du tout ces dernières semaines. D’où l’arrêt brutal de mon Blog mi-décembre : faut avoir le coeur léger pour faire danser les étoiles et c’est trop dur avec l’alzheimer de maman. Aujourd’hui, Jamie me dit : tu devrais tout de même continuer ton blog… alors j’essaye encore un peu. Les choses ne s’arrangeront évidemment pas mais bon, on verra bien jusqu’où je tiendrai. Dieu décidera.

Mort de fatigue
Fatigue

Comme on voudrait que le fassent le temps, notre pensée, nos vies


Il y a sur la cheminée du salon un énorme bouquet de pivoines. Et, curieusement, ces derniers jours, je lisais un texte de Philippe Jaccottet qui exprime ce que je pense des pivoines et dont je laisse tomber ici quelques pétales (dans un désordre qui n’est pas le sien et en coupant quelques tiges qui dénaturent évidemment son bouquet).

Parce qu’elles s’inclinent sous leur propre poids, certaines jusqu’à terre, on dirait qu’elles vous saluent, quand on voudrait les avoir soi-même, le premier, saluées”.
“Opulentes et légères, ainsi que certains nuages…”
“Une explosion relativement lente et parfaitement silencieuse”.
“Elles s’ouvrent, elles se déploient, comme on voudrait que le fassent le temps, notre pensée, nos vies”.
J’aime cette phrase et la répète pour ceux qui lisent trop vite : “Elles s’ouvrent, elles se déploient, comme on voudrait que le fassent le temps, notre pensée, nos vies”.
“Je ne sais quoi, qui n’est pas seulement un souvenir d’enfance, les accorde avec la pluie. Avec une voûte, une arche de verdure. Elles vont ensemble : est-ce à cause des nuages ?”
“Avant que n’approche la pluie, je vais à la rencontre des pivoines”.
“Elles n’auront pas duré”.

(Extraits) Philippe Jaccottet – Cahier de verdure, Gallimard.
Photo : Domi F.

On dit “fleuriste” mais on devrait dire “galerie d’art”

J’avoue que je ne connaissais pas Alain Turing !

mac.jpg

Je ne connaissais pas Alan Turing dont je découvre l’histoire ce matin seulement dans le Figaro sous la plume de Laurent Dispot : “Prodige de l’informatique durant la dernière guerre mondiale, Alan Turing était parvenu tout seul, depuis l’angleterre, à briser la barrière de la machine à coder allemande. Fournissant aux Alliés les plans stratégiques et de déplacement des troupes nazies, il réussit à sauver des milliers de vies. Victime de harcèlement moral pour son homosexualité, il se suicidera le 7 juin 1954 au lendemain du 10e anniversaire du Débarquement dont il avait été exclu, en croquant une pomme empoisonnée au cyanure. Chaque fois que nous voyons un des logos visuels les plus mondialisés – celui des ordinateurs Apple – souvenons-nous qu’il fut choisi en hommage à Alan Turing et à sa mort.” (Laurent Dispot);

Eh bien je ne le savais pas.

Mon cerveau fait comme les marrons dans le feu en hiver : paf !

montre_alzh2.jpg
Pour tout le monde, le jour change à minuit. Mais pour Maman, avec alzheimer, c’est désormais entre 9h et 10h le matin. A neuf heures, on prend la boite de cachets du jeudi et, gloups, on avale tous les cachets du matin. Forcément, on est jeudi matin. Une heure après, à dix heures, on va chercher la boite du vendredi et, gloups, on avale aussi tous les cachets du vendredi matin. Forcément il est 10h: on est donc vendredi ! CQFD. Il y a aussi les patchs pour le coeur. Un petit truc qu’elle se colle depuis plusieurs années sur la poitrine. Eh bien maintenant elle va dans l’armoire à phramacie, elle prend un bout de sparadrap et elle le colle sur la poitrine. Forcément, ça a la même couleur, non ? La logique vole en éclats et mon cerveau fait comme les marrons dans le feu en hiver : paf ! Je crois que je suis en train de devenir fou.

*

Décidément j’ai vraiment un problème :
— avec le temps qui passe !
avec mon horloge biologique qui est détraquée ;
— avec le temps qui passe !
Et maintenant aussi avec le “temps-alzheimer”
La montre-baromètre
Une boite pour savoir quel jour on est

Même les trottoirs ne sont plus ce qu’ils étaient !

pieton_anim2.gif Vous allez me dire que je grogne tout le temps mais tout de même : avant je pouvais marcher tranquillement dans la rue, le nez en l’air, la tête dans les étoiles ou dans un livre, je pouvais ne penser à rien, écouter les oiseaux et me réciter des poèmes… Maintenant il faut que je fasse attention au scooter qui roule sur le trottoir, à la moto qui me fonce dessus à contre sens et, si j’ai le malheur de me déporter légèrement sur le côté, je risque de prendre de plein fouet un roller qui déboule sans prévenir… Bref, je ne suis pas très content de l’évolution des choses et du statut du Piéton de Paris. Après avoir tué le silence, ils sont en train de tuer la flânerie et la déambulation tranquille. Il y a belle lurette que Paris n’est plus la grande salle de lecture d’une bibliothèque que traverse la Seine et que décrivait Benjamin. Aujoud’hui, Aragon serait culbuté par une moto sur un trottoir des Buttes-Chaumont et Léon-Paul Fargue renversé par un roller. Le monde n’est vraiment plus ce qu’il était. Avant d’être assassiné comme piéton et empaillé au Muséum comme spécimen de flâneur, je vais déjà me fabriquer un casque orange avec clignottants pour me protéger.

On nous a fait croire que l’évolution allait dans l’autre sens !

evolution.jpg

J’ai mis assez longtemps à comprendre mais aujourd’hui c’est clair : je me rends compte qu’on a inversé la flèche du temps et tenu l’image de l’évolution à l’envers. On a essayé de nous faire croire qu’on partait du singe pour arriver à l’homo sapiens sapiens. Alors qu’on retourne carrément au singe (voir ci-dessus le scoop de la vraie image de l’évolution enfin révélée dans le bon sens !). Retour au singe ou même plus bas encore. J’entendais les nouvelles à la radio ce soir : on est même retourné à l’algue primitive ! Pathétique quand on sait qu’il y a eu l’humanisme et des Jules Ferry pour essayer de hisser l’homme un peu plus haut que son statut de singe et que ce soir je les entends hurler dans la rue parce qu’il doit y avoir un match de foot à la télé. Pathétik !

Il faudrait peut-être tuer les producteurs de ces conneries ?

>affiche.jpg C’est marrant mais plus je vois ce que je vois et plus je me dis que ce monde est devenu carrément débile. Mais débile à un point que je ne comprends même plus comment on doit faire pour survivre avec des publicitaires qui vous affichent des conneries de genre. Et en 4×3 en plus ! J’ai honte pour eux. Et honte pour tous ceux qui, à tous les niveaux – chiennes de garde et autres intelllos branchés du même type – se gargarisent de “vigilance” et ne disent rien sur cet effondrement du sens commun …