Des ultra-rayonnements de détresse que seuls les anges entendent…

J’ai regardé pendant longtemps ces yeux étonnants de l’autoportrait de Rembrandt, et pensé à cette phrase de René Char (Feuillets d’Hypnos, 1943-1944) :

guillemets_noirs-TNR

Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri

Mais qui serait à même d’entendre ce cri ? Seuls les anges du ciel sans doute… Mais pour l’instant, ils ont beaucoup trop à faire sur la bordure de la galaxie… Comment leur en vouloir de ne pas toujours être à notre écoute ?

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Le rouge-gorge de Milosz frappe à la fenêtre gelée…

Deux phrases trottent dans ma tête en ce moment. Similitude ?

La première de Oscar Vladislas de Lubicz Milosz :

Si l’impossible attendu si longtemps

Frappait à la fenêtre, comme le rouge-gorge au coeur gelé,
Qui donc se lèverait ici pour lui ouvrir ?”

et la seconde de Rainer-Maria Rilke :

Si je criais,
qui donc entendrait mon cri parmi les hiérarchies des anges ?”

Wer wenn ich schriee…
Le poème de Milosz en entier
Le canari de Milosz
Le canari de Kazantzaki


Oui, je sais, l’image et la phrase de Milosz ne sont pas vraiment de saison mais peu importe : toutes les saisons sont belles !

Et le petit rameau cria : “pourquoi me mutiles-tu ?”


Il y a eu, ces derniers jours, beaucoup d’arbres et d’ombres d’arbres sur mon blog… Et du coup m’est revenu en mémoire ce passage terrible de la Divine Comédie où Dante, au Chant XIII de l’Enfer, parle des gens transformés en arbres et qui hurlent quand on brise leurs branches… C’est terrible et vous glace d’effroi. Voici le passage :

Et le bon Maître : “Avant de pénétrer plus loin, sache, me dit-il, que tu es dans la seconde enceinte, et y seras tant que tu chemineras dans l’horrible sablon. Regarde bien, et tu verras des choses qui te rendront mes paroles croyables.” Déjà, de toutes parts, j’entendais pousser des gémissements, et ne voyais personne ; de sorte que, troublé, je m’arrêtai. Je crois qu’il crut que je croyais que cette foule de voix, sortant d’entre les troncs, venait de gens qui se cachaient de nous.
Ce pourquoi le Maître dit :
“Si tu romps quelque branche d’un de ces arbres, rompues aussi seront les pensées que tu as”. Lors, avançant un peu la main, je cueillis un petit rameau d’un épais buisson, et le tronc cria : “Pourquoi me mutiles-tu ?” Puis devenu tout noir de sang, il cria de nouveau : “Pourquoi me brises-tu ? N’as-tu aucun sentiment de pitié ? Nous fumes hommes, maintenant nous sommes buissons. Ta main devrait être plus pieuse, eussions-nous des âmes de serpents.”

Petit arbre avec inscription de Giovanni Bellini (fragment)
Huile sur bois, 31 x 22 cm
Gallerie de l’Accademia, Venise.

Des passages moins tristes de la Divine Comédie (étoiles)


Quelques autres arbres…
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Wer wenn ich schriee, hörte mich denn aus der Engel Ordnung

E_annonciation
J’ai remarqué que lorsque la vie était trop difficile – depuis alzheimer notamment mais déjà avant – , il y avait peut-être trois choses qui me procuraient une paix intérieure quasi instantanée et une fraîcheur presque immédiate : le chant des merles, certaines pièces de Bach et cette Annonciation de Fra Angélico, en haut de l’escalier du couvent San Marco à Florence… Je l’appelle souvent intérieurement à la rescousse quand les choses vont mal et que je m’approche de ce degré de détresse dont parle R-M. Rilke : “un degré de détresse qu’entendent les anges, des ultra-rayonnements de détresse que les humains ne perçoivent pas, qui traversent leur monde épais et ne peuvent faire retentir qu’au-delà, dans la lumière d’un ange, un violet sourd, douloureux, comme l’améthyste dans sa géode”…
Quand on entend ces ultra rayonnements violets de détresse c’est évidemment que les choses ne vont plus très bien ici bas. On sait qu’on aura beau crier intérieurement, l’aide ne viendra de nulle part, comme dans la première phrase de la première Elégie de Duino : “Wer wenn ich schriee, hörte mich denn aus der Engel Ordnungen” ? (Si je criais, qui donc entendrait mon cri parmi les hiérarchies des anges ?).

En y réfléchissant, je me rends compte qu’il n’y a pas que ces trois choses qui me calment. Il faut que j’ajoute les hirondelles dans les ciels d’été, les cloches en italie, l’Aria des Goldberg, la lumière des petits matins d’été, la couleur des champs de blé dans la lumière du soir et … bon il va falloir que je fasse une liste exhaustive. J’avais commencé la liste de petits bonheurs mais il faut que je la complète sérieusement.

Fra Angelico et l’accomplissement du mystère de l’Annonciation par la lumière….

Wer wenn ich schriee…
Peut-être que Dieu en a assez…
.
D’autres anges…
L’ange de l’histoire de Klee
J’aime bien ces anges…
L’ange voleur d’étoiles,
Sûrement j’exagère
L’ange des ruines de Dresden…
J’aimerais bien que Dieu m’accorde 3 secondes !
Pourquoi Fra Angélico a t-il peint ce trou ?
Des ailes (d’ange?) pour planer au-dessus de la mort …