Switchie

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Switchie était ma petite chienne morte un soir de noël…

24 décembre 1993…

Il y a sur le devant de mon visage
deux petites fenêtres rondes
derrière lesquelles, assis au balcon,
j’ai vu des choses étonnantes.
J’ai vu des oies cendrées s’envoler de la page blanche d’un haïku
et des corneilles tournoyer à la cime des grands platanes,
J’ai vu l’immensité de la voie lactée au-dessus de ma tête
et des coccinnelles se poser sur le bout de mon doigt
J’ai vu la pluie briller sur les pivoines du jardin
et senti le parfum si doux des vieilles glycines
et vu détaler les petits lapins de la Dame à la Licorne
J’ai vu la neige tomber à gros flocons en hiver
et les pattes des oiseaux dans la neige
et des palais de brique rouge sur des piazzas de toscane
et et des coquelicots dans les champs de blé
et des milliers d’étoiles dans les grands ciels d’été
et la lumière sur la pierre chaude des petites églises romanes
et la couleur du basilic, et celle des carottes
J’ai vu le ciel des matins de printemps
quand il est à l’orient tout rose et bordé de bel azur limpide
J’ai vu le vert tendre des petits pois qu’on écosse
et le jaune d’or du parmezan à Sienne
J’ai vu les petits copeaux de bois qui tombaient de la table de mon luthier
J’ai vu s’ouvrir une à une les petites fenêtres des calendriers de l’Avent
et tomber les marrons en automne
et le vent courber les champs d’avoine
J’ai vu trembler l’épaule des chevaux et leurs grands yeux marrons,
J’ai vu passer des hirondelles
et aussi de très jolies femmes et à chaque fois j’ai pensé que le ciel descendait sur la terre,
J’ai vu sourire ma mère et passer les nuages dans le ciel
J’ai suivi – mais pas assez – les enseignements de maîtres tibétains
et vu leurs robes pourpres et orangées au lieu dit Dhagpo Kagyu Ling
et le jaune de l’automne quand les feuilles ont la couleur des dernières sonates de Haydn
J’ai vu des petits personnages dans des lointains des miniatures du XVe siècle
et la brume argentée des petits matins d’hiver
J’ai vu des merles les soirs de printemps
et quelques belles étudiantes sur les chaises du Luxembourg
J’ai vu les lapins d’Albrecht Dürer
et les Annonciations de Fra Angelico
et les abeilles sur les fleurs des champs
et le Dôme de Florence dans la brume des petits matins d’été
J’ai vu la joie des chiens quand on va les promener
et les doux yeux marrons d’un petit griffon
qui s’appelait Switchie
et qui m’a quittée un soir de noël
et puis
… je n’ai plus rien vu.
Les larmes
ont tout brouillé.

Texte provisoire. Commencé en novembre 1996, abandonné depuis et mis là, ce soir …

Avec maman quand switchie était toute petite

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