Adieu René et merci pour le trésor japonais !

larme.jpg Dans le Monde de ce soir, j’apprends avec tristesse la mort de René Sieffert. C’est grâce à lui que j’avais découvert l’oeuvre de Bashô, les haïkus, le cycle épique des Taïra, la poésie japonaise… J’avais pourtant fait des études de Lettres mais jamais, à aucun moment, durant tout mon enseignement secondaire, on ne m’avait parlé de Bashô ni fait lire un seul de ses poèmes qui ont pourtant fait basculer ma vie. Ce n’était pas franco-français donc ce n’était pas au programme. Ensuite j’ai fait Philo et jamais, à aucun moment, durant tout mon enseignement supérieur, on ne m’a fait lire une seule page des philosophes asiatiques (Lao-tseu, Tchouang-tseu, Lie-Tseu) qui, eux aussi, ont bouleversé ma vie. Ce n’était pas franco-français donc ce n’était pas non plus au programme de philo. Quand j’y pense maintenant, je me dis que la France est décidément un tout petit pays dirigé par des petits nains de jardin sans curiosité et sans ouverture sur le monde. Fondateur des Publications Orientalistes de France (dont j’achetais avec émerveillement presque tout ce qui sortait), René Sieffert aura fait, dans l’ombre – pour mon bonheur – plus que tous les ministres qui se seront succédés à l’éducation nationale. Adieu René et merci pour le trésor !

Entre autre : Journaux de voyage de Bashô ; Le haïkaï selon Bashô ; L’Ermitage d’illusion, Le Manteau de pluie du singe ; Jours d’hiver ; Le Dit de Hôgen et le Dit de Heiji ; Contes de la pluie et de la lune ; Eloge de l’ombre; Journal de Sarashina ; Journal de Murasaki-shikibu… etc etc…

La mauvaise monnaie chasse toujours la bonne

etourneauxx.gif Comme vous n’avez peut-être pas accès à l’intranet de la BN, je continue de vous tenir informés de la grande épopée des étourneaux du jardin de la bibliothèque François Mitterrand. Si vous avez suivi l’épisode précédent (24 janvier 2004 – “Va y avoir du rififi dans les rues de Paris !”), vous savez que nous en étions à 25 000 étourneaux qui, après le passage des fauconniers en janvier, auraient quitté définitivement le jardin. Manque de pot, ils auraient en partant laissé la place à 900 pigeons ramiers qui continueraient à foutre la merde dans le jardin en chiant leurs déjections et en torpillant la bio-diversité du site ! C’est le communiqué de la BN qui le dit, pas moi qui trouve plutôt sympathiques les étourneaux et les pigeons ramiers, mais bon, à la BnF ils n’aiment pas ça et aujourd’hui (25 février) la brigade infernale composée du faucon Lanier et des trois buses de Harris a encore du intervenir à la tombée de la nuit pour les mettre en fuite…

C’était “Attendez-vous à savoir”, la chronique régulière de Geneviève Tabouis, notre correspondante permanente sur le site François Mitterrand.

Va y avoir du rififi dans les rues de Paris
Les étourneaux sont de retour à la BNF

[moi aussi je suis] perturbé !

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S’il y a un truc que je ne supporte plus c’est que le service public soit en grêve tout le temps, surtout le soir et surtout le dimanche soir… Et que ces ânes écrivent perturbé au lieu de dire quand le service reprendra, ça me tue carrément. Et en plus ce système est “en essai” depuis plus d’un an. Je ne sais pas ce qui est encore “en essai” mais il continuent à écrire “en essai”… Si c’était vraiment en essai ils pourraient mettre un numéro de téléphone pour qu’on puisse leur faire part de nos suggestions. Mais non, on est [parait-il] en démocratie et ils s’en foutent royalement. Je ne dois pas être le seul à être exaspèré, mais bon, ainsi va la France : service perturbé à France Inter, service perturbé à France Culture, service perturbé dans les bus, service perturbé dans les aéroports, service perturbé partout. Même le temps est perturbé : c’était carrément la sibérie ce soir et je me suis gelé à attendre le bus ! Comment voulez-vous que je vote de façon sereine dans quelques semaines ?

L’éventail de la mort…

kim_graveyard2.jpg Kim, qui a toujours un beau regard sur la vie, m’envoit des USA deux belles photos d’un cimetière avec des pierres tombales qui, sous un certain angle, prennent dans le soleil une belle forme d’éventail… l’éventail de la mort. Merci Kim ! Petit texte de Kim au dos des photos :

“Impressions and pictures taken whilst tiptoeing around a graveyard in South Amherst. Some lean forward, head bowed in resignation, gazing at the bowls of the earth. Others lean backwards, head staring upwards into the heavens. Like devout worshippers of times of old, some send murmurs to the red inferno of the deep, whilst others blow whispers at the star dappled sky. Can you hear them ? They moan and groan, the sandstine stiffens their limbs, and in pain they defy gravity. They need straightening, but they have yet to face their maker before their granite faces are righted. Some look down in disgrace and shame, and hope to be forgiven. Others smile with glee, contemplating life’s plenitude. But all with eventually topple and sink into the devouring mouth, this soft absorbing skin, this phagocyte on the face of the earth’s crust. In fact Eric, these stones appeared to me as a natural representation of the aesthetics surrounding Death. Some sort of symbol of the huge array, and spectrum as in panoplie of man’s efforts to come to understand what it is. The fact that this symbol manifested itself in the shape of a fan, eventail, took on further meaning….Love Kim “.

jonathan_clark4.jpg A propos de cimetières, je suggère un site de toute beauté que j’aurais bien aimé faire, réalisé en Flash par Jonathan Clark. Il faut que vous ayez l’ADSL. Et que vous soyez patients (pas pour le chargement qui est très rapide) mais parce que, sur chaque image, il y a un événement infime qui se produit. Donc prenez le temps de regarder ce qui bouge. N’y allez pas seulement pour deux secondes. Faites toutes les saisons, écoutez les oiseaux et attendez que les tulipes aient le temps de pousser ! C’est ici. [ou plutôt ce n’est plus ici et donc je retire l’URL pour l’instant]

J’irai le dire samedi matin aux abeilles du Luxembourg !


J’apprends dans le Monde que l’insecticide Régent fabriqué par la société chimique BASF Agro – et mortel pour les abeilles – a été interdit et que le PDG de BASF était mis en examen. Il aurait fallu prendre cette mesure conservatoire depuis des mois et des mois pour éviter l’hécatombe de millions d’abeilles, mais comme toujours en France, on a attendu que la catastrophe soit irréparable pour réagir. Mais bon, quelquie chose est en train de bouger et c’est une bonne nouvelle. Ce week end j’irai le dire à mes copines les abeilles du Jardin du Luxembourg. Je ne parle pas bien abeille mais je suis sûr qu’elles seront contentes de pouvoir se réjouir avec moi.

Le ministre de l’agriculture annonce que, pour cette saison de semences, les vieux stocks de graines enrobées de l’insecticide mortel pourront néanmoins être écoulés. C’est marrant, j’avais entendu exactement la même phrase pour le sang contaminé. On avait alors aussi écoulé les vieux stocks de poches de sang mortel ! C’est drôle que la même phrase ne fasse pas tilt dans l’oreille du ministre ?

Virgile reviens, ils sont devenus fous !

Photoshop n’a pas d’éducation

mao.jpg A force de travailler avec Photoshop toute la journée, je prends de très mauvaises habitudes. Par exemple je vais dîner chez Mariana qui passe son temps en chine ou à travailler pour des chinois et quand j’arrive dans sa belle salle à manger, toujours éclairée par de magnifiques bougies, je ne peux pas m’empècher (en rentrant chez moi) de redécorer le mur vide… Le pire c’est que je m’habitue à ces retouches numériques et qu’après, sans mes montages idiots, je trouve que son mur fait vraiment vide. Faut absolument que j’arrête, ça ne se fait pas de redécorer l’appartement de ses amis !

Tu ne m’en veux pas Mariana ? J’ai aussi une belle Annonciation de Fra Angelico qui irait très bien.

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Mes yeux qui baissent à nouveau, j’envie Ts’ang Kie…

yeux.jpg Ts’ang Kie était ministre de l’empereur jaune. Sa particularité de était d’avoir deux paires d’yeux (portrait ci-contre, 1685). On raconte qu’il s’inspira de la lune tantôt ronde, tantôt croissante et des empreintes d’oiseaux et d’animaux pour inventer l’écriture chinoise. Selon la légende, les dieux du ciel furent si effrayés de cette invention qu’ils en pleurèrent des jours et des nuits. Une pluie de céréales se mit alors à tomber sur l’empire. Les suites toujours problématiques de mon opération de la cataracte me font – tous les jours et chaque minute de la vie – envier le bienheureux Ts’ang Kie !

Merci à F.A.-Groshens pour le portrait et le mythe fondateur, et à R.Josué S. de me l’avoir signalé.

A qui est ce que je dois certifier que je suis encore vivant ?

>vivant_mort.gif Régulièrement, la caisse de retraite de Maman lui adresse un document l’invitant à certifier qu’elle est bien vivante (histoire de continuer à lui verser sa pension). Moi personne ne me demande jamais de certifier que je suis encore vivant. Bon, c’est vrai, je le suis de moins en moins à cause de cette immense fatigue. Mais, tout de même, je serais bien content de signer un papier de temps en temps. Juste comme ça, pour le fun comme ils disent au canada.

Mort de fatigue

Le résultat magnifique de tous les échecs !

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Pour me remonter le moral après une journée déprimante, j’écoute Sophie Koch, éblouissante de beauté et d’intelligence musicale… Alors qu’elle fait une carrière internationale reconnue à Londres, Vienne ou Berlin où elle incarne régulièrement des rôles de premier plan, elle est méconnue dans notre pauvre France qui sent le moisi et n’arrivera décidément jamais à reconnaitre les siens, sauf s’ils sont nuls et/ou font de l’audience dans des stupidités en prime time. Elle est marrante et avoue que c’est une série d’échecs qui l’ont conduite au chant. “Une hypokhâgne, une tentative ratée pour entrer à Sciences Po, un DEUG de communication, une tentative ratée pour intégrer les choeurs de la Sorbonne, un DEUG de musicologie, un passage par l’Ecole de l’Opéra mais un échec au concours, et je me retrouve au Conservatoire National Supérieur de Paris dans la classe Jane Berbié. C’est elle qui m’a tout appris depuis et m’a donné la sécurité de la technique. Le résultat de tous ces échecs est stupéfiant de beauté et de pureté (Richard Strauss, Mozart, Rossini, Thomas…). Ce soir je déprimais. Elle m’a remonté le moral ! Merci

Commencer à faire la liste des villes à protéger !

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Dans le Monde d’avant-hier, une photo des ruines de Hambourg en 1945 me fait penser à cette interview de Stephen Hawkins – le cosmologiste – qui racontait que ses parents habitaient Londres mais qu’il était né à Oxford car sa mère pensait que c’était un bon endroit pour naître pendant la guerre, les Allemands ayant accepté de ne bombarder ni Oxford ni Cambridge, à condition que les Anglais ne bombardent ni Heidelberg ni Göttingen. Sidérant, non ? J’ignorais que de tels arrangements avaient été conclus par nos diplomates mais je propose que, pour la prochaine guerre, on se mette d’accord pour étendre ce principe à toutes les villes. Et on y va carrément: 200 villes d’un côté et 200 de l’autre ! Et on joue la guerre aux échecs ou à la canasta. On s’épargnera ainsi les destructions massives et les morts par milliers (conditions pour que des diplomates à plumes d’autruches planqués à l’arrière pendant la durée du conflit viennent ensuite lever leurs coupes de champagne aux accords de paix). Et si la ville où j’habite n’est pas rayée de la carte je pourrai continuer à voir mes amis ou écouter en silence les variations Goldberg de J.-S.B ou les quatuors de Haydn.

Image : vue de Dresde après le bombardement : manque de pot pour ses habitants (comme pour ceux Hamburg) la ville ne figurait pas sur l’accord de réciprocité! “Comment, mon cher ami, vous n’habitez pas Heidelberg ou Göttingen ? alors boum, pan sur le museau avec nos bombes au phosphore” !

“potentiellement privé d’éléctricité”…

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C’est bien ma veine ! La Mairie de Paris vient de m’envoyer un document sur ce qu’il convient de faire dans l’hypothèse d’une crue de la Seine du type de celle de 1910 (où la Seine était à 8,62 mètres alors qu’on commence à fermer les voies sur berge à partir de 3m). Je regarde sur la carte et je vois que mon lit est pile à cheval sur la zone d’innondation maximale. [Pour ne pas faire peur aux citoyens, les bureaucrates qui ont élaboré la carte ont peint la zone la pire en bleue (c’est plus rassurant) et la zone plus pépère en rouge; moi j’aurais fait le contraire mais bon, c’est comme ça, faut pas affoler l’électeur surtout en ce moment]. Donc on me dit tout ce que je dois faire: acheter une radio fonctionnant à piles (pour écouter les consignes !); avoir en permanence des lampes-torche pour me déplacer sans électricité; repérer les possibilités de relogement provisoire (on me dit que “l’autorité publique me relogera dans des gymnases” (ça va être quelque chose) et de “suivre toujours bien les consignes données par les autorités publiques en cas d’évacuation”. Bon, ça on verra : je n’aime pas les consignes et surtout pas celle de “l’autorité publique” que je n’ai jamais trouvée très fûtée, surtout en période de crise. En attendant la prochaine crue je vais aller m’acheter un petit bateau pneumatique gonflable; On ne sait jamais. Avec un petit canard jaune à l’avant. Tant qu’à faire, autant que ma petite embarcation ait un peu d’allure !

Les merles chantaient ce soir, c’était bien !

cielbbr3.jpg C’est drôle, nous sommes en février, c’est l’hiver, il devrait neiger et ce soir il y avait dans l’air comme une douce impression de printemps. Les merles de l’avenue chantaient et le ciel était comme j’aime et comme le décrit Dante au chant XXX du Purgatoire : “à l’orient tout rose et le restant orné de bel azur limpide…”
Si les hommes étaient moins bêtes, on vivrait carrément au Paradis et la vie serait belle. J’ai acheté des Véroniques chez la fleuriste qui s’appelle Aurore (je le sais parce que c’est marqué sur son badge); Josué me signale qu’à la BnF, sur le site Tolbiac, la buse (dite de Harris) est venue remplacer le faucon (Lanier) qui monte la garde contre les étourneaux. Fred m’envoit un mail pour me dire qu’il a la tête dans les ordinateurs et qu’il n’a pas vu le ciel de toute la journée (il ne voit pas non plus la nuit car quand à deux heures du matin je lui demande un truc sur mon système X, il me répond dans les trois secondes). Sur TF1, Alain Juppé parlait de son avenir. Maman ne sait plus très bien qui est Juppé. J’écoute Tamerlano de G.F. Haendel. Depuis trois jours, j’ai sous ma porte un avis de passage laissé par l’agent recenseur (et que je laisse sous le paillasson car ça me casse la tête d’avoir à répondre à des questions stupides inventées par une bureaucratie idiote). Ce soir à 0:40 j’écouterai Daniel Arasse parler des Annonciations du XVe siècle florentin (le petite de Cortone que j’aime bien). Et ainsi va ma vie, faite de [petits] riens et aussi d’une immense fatigue.

Pauvre France !

abbepierre.jpgVoilà que je commence encore ce mois de février en état de rage absolu : qu’en 2004 l’Abbé Pierre puisse nous refaire le coup de 1954 c’est qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume de danemark ! Depuis cinquante ans, on aurait du construire des logements et des écoles, et encore des logements et encore des écoles ! Mais depuis cinquante ans on a laissé les choses dériver et à 91 ans l’abbé Pierre peut ainsi revenir sur le devant de la scène comme en 1954 pour secouer le cocotier de l’incurie politique et des actions publiques inefficaces. Et personne ne rigole parce que tout le monde sent bien que même s’il n’a pas tout à fait raison, il est loin d’avoir complètement tort ! Vous savez quoi ? J’en ai marre d’avoir honte de nos hommes politiques et de leurs échecs cuisants depuis cinquante ans. Marre mais alors carrément marre.