Dans un texte, les espaces c’est “comme l’écho des choses”…

Une amie m’a récemment signalé que ma ponctuation laissait souvent à désirer. Et je reconnais qu’il y a souvent, sur ce blog, des virgules flottantes et mal placées qui peuvent changer le sens du texte aussi radicalement que le battement d’aile d’un papillon… Je pourrais prétexter ma faible acuité visuelle due à un méchant glaucome, blâmer le “correcteur automatique” de Word, ou encore les CSS de WordPress (qui sont malheureusement payantes)… Mais je vois bien que je cherche des excuses et que je suis finalement seul responsable des coquilles et des erreurs de ponctuation …

Les espaces dans un texte sont cruciaux — comme les silences dans la musique. C’est ce que disait Cécile Guilbert :

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“J’ai tendu … des chaînes d’or d’étoile à étoile”…

Il y a tout de même des phrases que je trouve totalement fulgurantes. Celle-ci d’Arthur Rimbaud notamment (Illuminations – Phrases) :

“J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse”.

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« L’enfer, aujourd’hui, c’est le non-accès à la poésie. »

Dans son éditorial de la nouvelle revue “Aventures” qu’il coordonne chez Gallimard, et qui sera publiée deux fois par an, Yannick Haenel écrit :

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Merci à mon cher petit bibliothécaire …

Je voulais juste lui rendre un petit hommage sur ce blog. Heureusement qu’il est là, monte la garde jour et nuit et évite l’écroulement de ce que j’aime…

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L’abolition de l’espace et du temps et l’expérience des “clochers de Martinville” de Proust ….

Peut-être avez-vous déjà ressenti — dans un rêve — le surgissement vertigineux du passé en plein coeur du présent… Cela m’arrive très fréquemment lors de rêves où la présence d’une personne – pourtant disparue il y a quatorze ans – surgit de façon incroyablement sensible et bouleversante tellement la sensation est puissante et déchirante… Ce qui m’arrive dans le temps – juste la durée d’un rêve – est ce que Proust a expérimenté – dans l’espace avec “l’expérience des clochers de Martinville” …. (enfin c’est ainsi que Jacques Darriulat la décrivait dans une vieille émission de France-Culture que j’avais entendue à l’époque).

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Mais quel livre Aliénor d’Aquitaine lisait-elle ? Celà mériterait une belle émission à la Grande librairie avec de grands médiévistes …

Aliénor d’Aquitaine (1122–1204) a été — excusez du peu — deux fois reine (reine de France puis reine d’Angleterre) et mère de deux rois ! Son gisant polychrome se tient sous les voutes de l’abbaye royale de Fontevraud où elle repose avec son second mari Henri II Plantagenêt, leur fils Richard Cœur de Lion et Isabelle d’Angoulême, épouse de Jean sans Terre… Sur son lit, Aliénor tient dans ses mains un livre de pierre qui est tout un symbole pour notre vieille civilisation qui ne saura bientôt plus ce qu’étaient les livres, les librairies et les bibliothèques… Et qui est même en train d’oublier son

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La beauté du testament de Pétrarque…

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Je trouve absolument magnifique le Testament de Pétrarque (1303-1374). J’aime particulièrement la belle liste des différentes villes où il souhaite être enterré… Et les dons qu’il fait de choses qu’il ne possède pas encore ! (“un petit coin de terre que je me propose d’acheter”)… Ou ce tableau qu’il laisse à son magnifique seigneur de Padoue : un Giotto tout de même… Ou son “bon luth” qu’il lègue à maître Thomas Bambasio de Ferrare… Ou ce petit gobelet d’argent doré qu’il lègue à un certain Lombard “avec lequel il boira de l’eau”… Ou encore ces cinquante florins d’or de Florence qu’il lègue à Boccace “afin qu’il s’achète un vêtement d’hiver pour ses études de nuit”… Bon je vous laisse lire :

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Mentez, il en restera toujours quelque chose !

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J’avais lu à l’époque le Journal de Gide (1939-1942). J’ai découvert plus tard qu’il avait fait des tripatouillages dans les années 40-41 : sur le style (bon, ça c’est d’accord), sur des dates (c’est plus fâcheux…) ; mais surtout sur des phrases entières qui ont été changées dans un sens plus “résistancialiste” ou moins “maréchaliste” (là ce n’est carrément pas convenable). Quand j’ai lu la Correspondance de Saint-John Perse (Alexis Léger de son vrai nom) avec Mina Curtiss j’ai découvert, là aussi, que le cher Alexis est bien … léger.

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“Il y a de très belles prunes sur la route de Weimar…”

Le problème, avec un blog, c’est de trouver quelque chose à dire tous les jours. On aimerait bien raconter des choses élevées, originales, sublimes, extraordinaires, étonnantes, merveilleuses ou surprenantes…mais quand on n’a pas de génie, évidemment, c’est dur. Et alors on parle des prunes de Saxe sur la route conduisant de Iéna à Weimar… Je vous raconte : le beau jeune homme sur le timbre, c’est le grand poète Heinrich Heine. Un jour, il décide de rendre visite à l’immense Goethe à Weimar. S’attendant à rencontrer Zeus en personne, Heine raconte : “J’avais réfléchi pendant bien des nuits d’hiver à ce que je pourrais bien dire d’élevé et de sublime à Goethe lorsqu’un jour je le verrai. Et lorsque je le vis, j’étais tellement impressionné que n’eus rien d’autre à lui dire sinon que “les prunes des arbres entre Iéna et Weimar étaient très bonnes au goût ! Et Goethe se mit à sourire.”

Et voilà, je viens de faire ce post alors que je n’avais rien à dire et maintenant je vais me promener sur les chemins : j’ai trop honte, dans ce blog, de n’avoir rien à dire d’élevé et de sublime.

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Derniers posts…

“En chaque mot, il y a un oiseau aux ailes repliées qui attend le souffle du lecteur”…

J’écoutais récemment la rediffusion d’un dialogue entre Marc-Alain Ouaknin et Erri de Luca… Évoquant la littérature et le pouvoir des mots, Marc-Alain Ouaknin rappelait cette très belle citation de Emmanuel Lévinas :

« en chaque mot, et en chaque lettre, il y a un oiseau aux ailes repliées qui attend le souffle du lecteur »…

En lui rendant hommage, Marc-Alain Ouaknine disait : “quand je vous lis, Erri de Luca, je découvre ces oiseaux cachés à l’intérieur des mots” !

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Extrait d’1 minutes-dessous :

Marc-Alain Ouaknin – Dialogue avec Erri de Luca – (Espace Rachi, deuxième rendez vous d’AkademIQ).

#Erri de Luca…
“Ce ne sont pas les lettres qui forment les mots….” (Claudel)


“Pourquoi a-t-on brûlé les fées de mon enfance” ? demande Sylvain Tesson (en alexandrin) …

J’écoutais récemment un entretien de Sylvain Tesson qu’Anne Ghesquière recevait dans son émission Métamorphose, où l’auteur de “Avec les fées” disait :
“Je demande : “Pourquoi a-t-on brûlé les fées de mon enfance” ?
parce que c’est un alexandrin – enfin il n’y a que moi qui l’entends, mais il y a bien douze pieds !”

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Prière de Françis Jammes pour aller au paradis avec les ânes…

“Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.

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Et vous, qu’allez-vous faire entre le 2 et le 23 février ?

Entre le 2 et le 5 février 1922, Rilke compose vingt-six sonnets qu’il annonce ainsi le 7 à Madame Knoop :

“En quelques jours d’immédiat saisissement alors que je pensais m’attaquer à tout autre chose, ces sonnets m’ont été donnés”. ->

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On ne “tourne” plus les pages… On ne les “coupe” plus, on ne les “coche” plus… On “scrolle”…

C’est drôle, mais j’aimais bien l’époque où — avant même de pouvoir lire un livre — il fallait découper les pages avec un coupe-papier… Avant le “web”, on pouvait aussi “cocher” les coins des pages pour se rappeler les endroits où on avait trouvé une idée intéressante… (j’avais même un système de coches assez performant : petite coche dans le coin supérieur pour une idée dans la partie supérieure [grosse coche si grande idée] ; et coche en bas pour une idée dans la deuxième partie de la page)… Longtemps après avoir lu le livre, cela me permettait de retrouver très rapidement une idée intéressante sans avoir à relire les deux-cent-cinquante pages du livre).

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“Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling …”

Ce texte de Marguerite Yourcenar est vraiment l’un des plus beaux que j’ai lu. Quand je me demande quel livre je pourrais bien offrir à quelqu’un, c’est toujours à cette nouvelle que je pense en premier. Et comme on est dans la période où on aime faire plaisir aux autres, je vous mets le texte ci-dessous… Rien que la première phrase est si belle : “Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling erraient le long des routes du royaume de Han. Ils avançaient lentement, car Wang-Fô s’arrêtait la nuit pour contempler les astres, le jour pour regarder les libellules. Ils étaient peu chargés, car Wang-Fô aimait l’image des choses, et non les choses elles-mêmes, et nul objet au monde ne lui semblait digne d’être acquis, sauf des pinceaux, des pots de laque et d’encres de Chine, des rouleaux de soie et de papier de riz”….. ->

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Une joie qui a explosé un jour comme une étoile intérieure…

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Encore un texte magnifique de Philippe Jaccottet que je trouve ce soir :

Je pense quelquefois que si j’écris encore, c’est, ou ce devrait être avant tout pour rassembler les fragments, plus ou moins lumineux et probants, d’une joie dont on serait tenté de croire qu’elle a explosé un jour, il y a longtemps, comme une étoile intérieure, et répandu sa poussière en nous. (…)

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“Toutefois je vous assure” …. etc

Le monde va de plus en plus mal : on s’enfonce progressivement dans une terrifiante dérive totalitaire décrite par la grande et courageuse Ariane Bilheran. Une censure globale se développe avec une puissance technologique jamais imaginée depuis Orwell et 1984. Bref il faut mobiliser des ressources mentales pour contre l’une et l’autre (la dérive totalitaire et la censure qui va avec).

Je relisais récemment des textes de Nikos Kazantzaki qui me bouleversent toujours tellement ils sont beaux… Et je suis tombé sur ce passage où, à la fin des années 1920, il visite la Russie communiste en compagnie de Panaït Istrati : Kiev, Leningrad, Vladivostok… Et il donne sa recette pour déjouer la propagande des autorités. Génial :-))

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“Les hirondelles se sont envolées avant nous”

Cardamome

Tu te réveilles
Tu te tournes vers la fenêtre
La lumière t’aperçoit
Ainsi Dieu créa la vue.
Tu te lèves dans ta plénitude
Ainsi Dieu créa les arbres.
Te voilà dans la lumière, et la lumière rit
Ainsi furent les mers et les îles.
Tu fredonnes le silence et tu fredonnes les mots
Ainsi la paix souilla la justice.

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Le génome humain aura t-il le Goncourt

Les gens se cherchent toujours des lectures pour la rentrée… Ça tombe bien puisque le génome humain existe désormais sous la forme d’une série de livres. Les 3,4 milliards d’unités de code ADN ont été transcrites en plus de 100 volumes de 1000 pages chacun. C’est forcément lui, à mon humble avis, qui devrait recueillir les voix des membres du jury du prix Goncourt ! Tellement plus enrichissant que tous les autres livres désolant qu’ils priment tous les ans … Bonne lecture !

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Parfois j’ai une chance folle…

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En me promenant le long des quais, tout à l’heure, j’ai déniché un vieux livre de Nicolas Bouvier dans lequel j’ai trouvé cette belle photo que je ne connaissais pas (prise à Tokyo en 1966) et que je trouve tout simplement magnifique. J’ai toujours adoré Bouvier — dont je crois avoir lu tout ce qu’il a pu écrire et que je place très haut dans mon cœur — et donc je suis sans doute un peu partial… Mais bon, déjà voir des flocons de neige me fait du bien… Voilà, c’est tout ce que j’avais à dire dans ce billet. Parfois je n’ai pas de chance, et parfois il y a des petits moments de grâce comme celui-là… Continue reading

Le vague sentiment qu’il y a eu quelque chose, autrefois …

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Le 23 novembre, donc jour pour jour — mais en 1985, Claude Roy écrivait ce poème que je trouve tout simplement magnifique… Continue reading

Quelques “Minimes” de Claude Roy qui me touchent…

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“Il peut y avoir des fins de vies éclairées de cette lumière-là”…

Par temps clair, hiver pur, été sec, la plus belle lumière est celle de la fin du jour, rasante, intense, dorée, sœur vive des ombres longues et promesse du repos de la vie. Rembrandt suggère qu’il peut y avoir des fins de vies éclairées de cette lumière-là, vies de vieux hommes “rassasiés de jours”, et que douleur, joie et sagesse ont passées au tamis. Continue reading

La grande délicatesse de la jeune fille qui a été danser…

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Tout à l’heure au Luco, juste avant la fermeture du jardin, j’ai relu dans la jolie lumière de cette belle fin d’été, quelques “minimes” de Claude Roy qui est sans doute l’écrivain-poète que je préfère… En voici quatre que je trouve tout simplement magnifiques et que je recopie en vrac :

guillemets_noirs_2_leftLes chaussures que la jeune fille qui a été danser tient à la main pour rentrer à l’aube sans faire de bruit.

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Le stupéfiant “Programme en quelques siècles” d’Armand Robin

Robin2
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J’avais déjà posté ce texte en 2007, mais j’y ai repensé cet après-midi, et comme je le trouve absolument stupéfiant de justesse et de beauté, je le re-poste à nouveau !

“On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière. Continue reading