La transmission du silence…

fab_verdier2.jpg Beau livre de Fabienne Verdier qui raconte la folie qui, au début des années 80, l’a poussée à tout quitter du jour au lendemain pour aller chercher seule, au fin fond de la Chine, auprès des derniers maîtres de la calligraphie, les secrets oubliés de cet art dévasté par la Révolution culturelle communiste. Après des mois et des mois de refus de lui enseigner ses secrets, le maître Huang Yuan finit par frapper un matin à sa porte avec, sous le bras, les rouleaux de papier calligraphiés qu’elle déposait elle-même, inlassablement, tous les jours, devant la porte du maître pour obtenir enfin son enseignement. “Je te préviens, lui dit-il, si tu commences avec moi, c’est dix ans d’apprentissage à mes côtés ou rien du tout.”. Fabienne restera dix ans… Magnifique récit qui conduit sans bruit d’une rive à l’autre de la vie.

Fabienne Verdier dédicacera ses livres mardi 4 novembre de 16h à 18h à la Galerie Ariane Dandois, place Beauvau, 92 rue du Fbg St Honoré.

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Le vieux maître calligraphe et le mainate …

Dans “Passagère du silence”, son dernier livre, Fabienne Verdier raconte comment, pour rompre sa solitude, elle décide un jour d’acheter un oiseau qui lui tiendrait compagnie.

” Il te faut un oiseau qui parle” lui dit le marchand. J’en ai un qui sait déjà dire “entrez”, “qu’est ce que tu fous, espèce d’abruti” car il a une fâcheuse tendance à préférer l’argot..

Quand il m’annonça la somme – l’équivalent de ma bourse du mois – je lui ai répondu que c’était trop cher. Il finit par me consentir une réduction et je suis repartie avec mon mainate. (…)

Je ne voulais pas laisser mon oiseau toujours enfermé dans sa cage et, le soir, tandis que je faisais mes exercices, je le laissais sortir. J’avais remplacé le bureau par une longue planche sur trétaux, un bout était réservé à la calligraphie, l’autre à la gravure sur bois. J’avais installé des tas de ficelles au plafond pour faire sécher mon linge et mes exercices sur papier. C’est au milieu de ce capharnaüm que s’ébattait mon oiseau.

Au début, il ne parlait pas mais, au bout de trois semaines, un jour que quelqu’un frappait à ma porte, il lança : “Entrez !”. J’étais folle de joie ! J’ai commencé à lui parler, je le chouchoutais. Un soir, tandis que je copiais une estampe, il se mit à marcher sur ma pierre à encre, pris de l’encre dans son bec et la projeta sur ma table de travail en me traitant d’imbécile. Je faillis tomber à la renverse. Ce fut le plus beau jour de ma vie !

Il marchait sur la table, les ailes légèrement déployées, croisées dans le dos comme s’il faisait les cent pas pour réfléchir, puis, tout à coup, me regardait et lançait : “espèce d’abrutie !”. Il était très fort en insultes. Du tac au tac je lui répondait en l’appelant : Bendan, (Tête d’oeuf), une expression chinoise qui veut dire idiot. Je me promenais avec lui dans le jardin. Le dimanche, je retrouvais le vieux cuisinier qui venait lui aussi sortir son mainate. Chacun accrochait son mainate à l’ombre, puis nous bavardions.

J’ai aussi piqué de grosses colères contre lui. Son grand plaisir était de prendre son envol et de percer en ligne droite les calligraphies sur papier suspendues au plafond. Ou bien il trempait ses petites pattes dans l’encre et allait signer mes oeuvres de son empreinte. C’était un oiseau extraordinaire. Il m’a fait énormément de bien et nous avons vécu des jours heureux ensemble.

Un matin que j’étais en train de travailler avec l’oiseau, on frappa à la porte. L’oiseau cria : “Entrez !”

Comme il trouvait sans doute que je n’allais pas assez vite ouvrir ou que le visiteur restait sourd à son invitation, il insista en répétant : “Entrez, idiot, entrez !”.

J’ouvris la porte : c’était le maître Huang Yuan avec mes rouleaux de papier calligraphiés sous le bras”.

C’est ainsi, triomphalement accueilli par le mainate, qu’après des mois et des mois de refus de lui enseigner ses secrets, le maître Huang Yuan entra chez Fabienne Verdier avec, sous le bras, les rouleaux de papier calligraphiés qu’elle-même avait déposés, inlassablement, tous les jours, pendant des mois et des mois, devant la porte du maître pour obtenir enfin son enseignement.

“Je te préviens, lui dit-il, si tu commences avec moi, c’est dix ans d’apprentissage à mes côtés ou rien du tout…”. Elle resta dix ans !

Fabienne Verdier. “Passagère du Silence”. Albin Michel.
292 p. 21,50 euros.

Les pigeons musiciens de Pékin
On exige du sanglier, de la loutre et du blaireau
Exposition le 4 novembre

Diên Biên Phu : la nuit, nos stratèges dormaient…

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J’apprends qu’au programme philatélique 2004, on trouve cette année un hommage aux combattants de Dien Bien Phu. Silence donc sur la responsabilité de nos généraux battus à plate couture par deux génies de la stratégie militaire et du jeu de Go !

Rappel historique : le 7 mai 1954 tombe Diên Biên Phu. Le camp retranché devait exercer une pression sur les arrières de l’ennemi (sic) et couper ses voies de ravitaillement avec la Chine (sic). Le site – en forme de cuvette – avait été retenu car il devait rendre impossible (sic) l’acheminement par le Viêt-minh de pièces d’artillerie qui seraient aussitôt repérées (sic) sur les hautes pentes entourant Diên Biên Phu. Les stratèges (?!) français estimaient enfin que l’isolement de Dien Bien Phu interdirait l’approvisionnement d’une armée assiégeante (sic) !

On connait la suite : Hô Chi Minh et le général Giap réussissent à mobiliser quelques 75 000 coolies : qui poussent des bicyclettes la nuit à travers la jungle et qui amènent … cinq divisions (35 000 combattants !) toute l’artillerie lourde et le ravitaillement pour des milliers de combattants. Giap avait fait construire ou remettre en état – par un travail effectué toute les nuits – 300 km de routes, de Diên Biên Phu à la frontière chinoise !

Le reste est tristement célèbre. Comme en 40, nos grands stratèges militaires auront mené la France à la déroute, mais il ne faut surtout pas en parler. Silence, on commémore… C’est ça qui m’exaspère : d’abord on envoie les gens au casse-pipe et ensuite ceux de l’arrière et ceux qui sont responsable du désastre commémorent ; ça me rend Phu. (Voir aussi le triste épisode du timbre consacré à Massoud – blog de septembre 2003).

Bon, j’ai l’air de m’énerver sur cette affaire et je ne devrais pas. Pour les prochains timbres, je suggère de commémorer Waterloo, et aussi juin 40 (dont la nullité de l’état-major me reste en travers de la gorge) ; comme les généraux qui, pendant la guerre de 14, ont envoyé les poilus au casse pipe au Chemin-des-Dames. L’un s’appelait le général Nivelle je crois. Je vais faire des recherches sur lui pour savoir si ce génial statège ne mérite pas une commémoration philatélique ! Ma grand-Mère me disait que le chien de Nivelle avait tellement honte de son maître qu’il ne venait pas quand il l’appelait !

Quelques étoiles…

Etoiles…

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“Si tout ce qui est proche vous semble loin,
c’est que cet espace touche les étoiles”

Rainer Maria Rilke

Etoiles…

roud1.jpg “Le ciel est bien plus près de moi que les hommes. Un peu plus haut que la branche extrême du noyer, à peine. Avec une perche un peu plus longue, comme on gaule les noix, je ferai choir dans l’herbe les grappes de constellations plus tièdes que les vers luisants d’été. Altaïr, je te cueille comme une pomme, comme une perle. Altaïr, Aldébaran, Orion, Andromède et sa pâle nébuleuse semblable à la chandelle qui brûle derrière une feuille de corne, j’ose enfin vous nommer de vos noms de toujours, vous que je reconnais depuis que j’ai cessé de connaître les hommes, de me connaître”. (…)

Palinodie, Gustave Roud.


Etoiles dans la Divine comédie…

Dans la Divine Comédie de Dante, il y a trois Chants : l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis.

à la fin de l’Enfer, le dernier mot est Stelle, Étoile.

à la fin du Purgatoire, le dernier mot est Stelle, Étoile.

à la fin du Paradis, le dernier mot est aussi Étoile : Stelle…

Voici les textes pour que vous ayez les mêmes étoiles que moi dans la tête :

Inferno XXXIV :
E quindi uscimmo a riveder le stelle.
Et là fut notre issue, pour revoir les étoiles

Purgatorio XXXIII :
puro e disposto a salire a le stelle.
Pur et tout prêt à monter aux étoiles.

Paradisio XXXIII
l’amor che move il sole e l’altre stelle.
l’Amour qui meut le soleil et les autres étoiles.

Ce n’est pas parce que j’habite rue de l’Etoile filante mais c’est drôle, depuis des années je ne peut pas lever la tête vers le ciel sans y voir aussi briller ces étoiles-là. Et, en plus, (le monde ne me donne pas raison, je sais) je suis persuadé, comme Dante, que c’est effectivement l’Amour qui meut le soleil et les autres étoiles !. Oui, je sais, je suis naïf !

• Dans le Chant XV du Paradis, Dante voit passer une étoile filante qui s’envole dans le ciel :
«Tel qu’en un soir pur, limpide et tranquille, piquant les yeux qui se perdaient en rêve, un feu soudain file de temps en temps, que l’on dirait une étoile en voyage, si ce n’était qu’au point où il s’allume nulle étoile ne manque et qu’il ne dure pas, ainsi se détacha de la branche de droite, pour s’envoler jusqu’au pied de la croix, un astre entre tous ceux qui faisaient sa splendeur».
C’est un peu bête à dire, mais je trouve que c’est beau cette petite étoile qui semble se détacher de la branche droite d’un arbre et qui par son éclat pique les yeux d’un rêveur à la belle étoile.

• La Divine Comédie est sans doute un peu dure à lire, c’est vrai, mais un jour je suis tombé dedans et j’ai avancé en donnant ma main gauche à Dante et celle de droite à Virgile. Et puis, avec trois traductions différentes (Lucienne Portier, Henri Longnon, Jacqueline Risset) je suis arrivé avec eux au Paradis.

• Il y a aussi un très beau passage dans le chant XXX du Purgatoire où il parle de la couleur du ciel le matin. Puisque j’ai encore un peu de place ici pour vous le raconter, voici ce qu’il dit :

«Parfois j’ai vu, quand au lever du jour,
Le ciel parait à l’orient tout rose
Et le restant orné de bel azur limpide…»

Ce ciel à l’orient tout rose et bordé de bel azur limpide, c’est exactement celui que je voyais quand je me levais tôt pour aller promener Switchie dans les petits matins froids lorsque j’habitais rue de l’Etoile filante (c’était il y a longtemps, avant alzheimer). Et le miracle continue depuis des siècles : encore ce matin c’était incroyablement beau.

• Et puis il y a un autre beau passage – (oui, je sais, j’accumule un peu trop de textes mais, bon, vous pouvez arrêter si vous voulez) – c’est au Paradis XXI – aussi très tôt le matin – où Dante raconte que : «Ensemble au point du jour les corneilles s’ébrouent, afin de réchauffer leurs plumes engourdies, et puis s’en vont, les unes sans retour, les autres revenant à leur point de départ, d’autres encore tournoyant à demeure» ; Vous je ne sais pas, mais “ces corneilles au point du jour qui réchauffent leurs plumes engourdies”, pour moi c’est un grand moment de bonheur et de joie ! Je dois être un peu détraqué.

• Allez, encore quelques lignes, que je vous raconte encore une étoile de R.M.Rilke, dans une lettre à Adelaïde von der Marwitz où il parle d’une sensation très particulière que j’ai aussi ressentie… Il parle du moment où il se trouvait la nuit sur le prodigieux pont de Tolède «une étoile tombant à travers l’espace du monde selon une lente trajectoire, tomba en même temps (comment dire cela ?) à travers mon espace intérieur : le contour isolant du corps, aboli. Et comme cette fois-là par la vue, cette unité m’avait été annoncée une autre fois par l’ouïe : à Capri, une nuit que j’étais dans le jardin, sous les oliviers, et que le cri d’un oiseau, en me fermant les yeux, fut à la fois en moi et hors de moi comme dans un seul espace indistinct d’une extension et d’une limpidité absolues.”

• Je termine sur cette belle phrase de Christian Bobin : “La joie est la première étoile dans le ciel intérieur. Il suffit de la considérer pour connaître où nous en sommes du jour et de la nuit, de la solitude et de l’amour. C’est le seul signe incontestable du vrai. Il n’y en a pas d’autre”.

Voilà c’est fini. J’ai encore pas mal d’autres étoiles mais j’arrête de vous prendre la tête !

Rêve chinois N°2

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La vieille chinoise avait pris ma main dans la sienne, la regarda longuement et commença à lire dans ma paume comme sur la carte d’un vieil atlas

“Tu vois, Eric, cette montagne là, cest le mont Xien Meng ; les matins de printemps, il est couvert d’un voile de buée de la couleur du bol de faïence dans lequel je mange mes petits poissons grillés.

Et là, ce tracé au creux de ta main, c’est le Yuan Jing où les boeufs blancs viennent boire à la fin du jour et se vautrer dans la boue chaude des soirs d’été.

Cette petite colline, ici, à côté de ta ligne de tête, c’est celle où je vais chercher du bois les matins d’hiver quand le froid gerceles lèvres et la neige tombe en gros flocons sur mes cheveux”.

Elle serra ma main un peu plus fort et accentua une petite courbe tout près de ma ligne de vie :

“cette ligne de crête que je vois de la fenêtre de ma chambre, c’est c’est celle où les nuages se mélangent à la fumée des grands feux de l’automne”…

Elle serra ma main encore plus fort et me regarda.
Je vis que les prunelles de ses yeux étaient carrées ;
Des corneilles y tournoyaient lentement autour des grands platanes centenaires…

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Quelques rêves
La clé sous le paillasson !
«Sturzkampfflugzeug»
Clac clac je vais te couper la tête !
Transformation imminente en dindon ?
Hôtel Matignon, chambres à la journée…
Planter des rudbeckias jaunes
Parfois rêver c’est dur…

Ma vie professionnelle… et le télétravail

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– Aïe, ça me fait mal !
– Où es tu ?
– Je suis dehors !
– Si tu es à l’extérieur, pourquoi as-tu mal ?
– parce que mon pied est à l’intérieur !
– Si ton pied est dedans, pourquoi es-tu dehors ?
– C’est vous qui m’avez mis en dehors et en-dedans !
– Imbécile ! comment une personne peut-elle donc être à l’intérieur et à l’extérieur ?
– Aïe !

Yün-men eut la jambe cassée mais au moment où il hurlait de douleur, le monde de ses illusions vola en éclats.

Mu-Chou Ch’en-Tsun-su – Jap. Bokushû Dômei
(780-877)

L’Inventaire de la Voie Lactée et le petit ange voleur d’étoiles

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“C’était bien la huitième fois qu’ils refaisaient l’Inventaire et il manquait toujours une étoile…

Malgré leur fatigue, les ailes usées par le rayonnement cosmique, les anges s’assirent une nouvelle fois et recomptèrent les étoiles une à une. Sur le grand Livre à tranche d’argent s’alignaient les minuscules croix dorées :

neuf étoiles et un trait pour barrer les dizaines…

Encore essoufflés par leur troisième voyage aux confins de l’univers, les Séraphins se posaient les uns après les autres, époussetant sur leurs épaules des nuages de poudre d’étoile : Cassiopée: 6, le Centaure : 13, Andromède: 6. Les anges s’affairaient, comptant et recomptant :

vingt-cinq et neuf, 34, je pose 4 et je retiens trois…

Il restait à peine mille heures avant l’aube du Jeudi-Saint et il fallait impérativement terminer l’Inventaire pour l’octave de la Sainte Madeleine.

291 et 9 qui font 300…

Quand les anges de la Voie Lactée revinrent, innondés d’une lumière fraîche et joyeuse comme une giboulée de mars, on en était à 392,32 milliards. On retrancha Saturne, Jupiter, Vénus et Mercure et on ajouta Orion, Pégase et les mille-vingt-trois étoiles de la galaxie du Tigre. Les Archanges envoyés au-delà de la Couronne Boréale se posèrent les plumes paillettées de neige : 2561 pour le Baudrier du Griffon… Les anges du septième ciel revenaient les cheveux couverts de brins d’or arrachés aux galaxies spirales :

et 6782 pour le Triangle Austral…

Cela faisait encore 495,357 milliards et il manquait toujours une étoile..

A l’écart de l’immense tournoiement de plumes, emmitouflé dans une grande écharpe aux couleurs de l’aube, un petit ange était assis sur un imperceptibe rayon d’éternité. Songeur, les yeux perdu sur la courbure de l’univers, il accompagnait de son tambour la musique des sphères, pure et douce comme un filet d’orgue s’élevant dans le silence argenté du cosmos.

A son oreille gauche, pendait l’étoile qui manquait au grand Inventaire : petite boucle d’oreille corail qu’il avait volée la veille dans la constellation du Crabe….”.
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(Ange de Fra Angelico)


Quelques étoiles…

Sûrement j’exagère
Les ultra rayonnements violets de détresse
J’aime bien ces anges

Mes haïkus préférés

Je dépose quelques Haikus ici, à la queue leu leu, mais s’il vous plait, n’en lisez qu’un seul à la fois ! Sinon ça n’a pas de sens.
Faire un vrai haïku, dit Bashô, c’est rare ;
en faire dix au cours d’une vie, c’est être un maître.

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“Dans le champ près du portail,
Agaçant le chat
Tombent les feuilles mortes”

(Issa)

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L’automne est bien là
Ce qui me le fit comprendre
C’est l’éternuement !

Buson

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Dessiné d’un doit
sur la vite givrée
ah ! le mont Fuji !

Anon.

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Martin-pêcheur
Sur tes plumes mouillées
Le reflet du couchant

Tôri

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Brise du soir
Le ruisseau se divise
Autour des pattes du héron bleu

Buson

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Ne possédant rien
comme mon coeur est léger
comme l’air est frais.

Issa

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Sur la grosse cloche
un papillon dort
profondément

Buson

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Même mon ombre
est en pleine forme
premier matin de printemps

Issa

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Délice
de traverser la rivière d’été
sandales à la main !

Buson

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Oh une luciole qui vole
je voulais crier “regarde!”
mais j’étais seul.

Taïgi

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Les montagnes lointaines
se reflètent dans les prunelles
de la libellule

Issa

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Le voleur a tout emporté
sauf la lune
qui était à ma fenête.

Ryôkan

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A force de contempler
les fleurs du cerisier
torticolis

Sôin

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Le saule
peint le vent
sans pinceaux

Saryû

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Le corbeau d’habitude je le hais
mais tout de même… ce matin
sur la neige… !

Basho

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Autres poèmes

“Vous qui revenez du pays natal
vous devez avoir des nouvelles fraîches !
Est-ce que le prunier, quand vous étiez là,
était en fleur, à la fenêtre de chez moi ?”

Wang-Wei 701-761 Peintre, calligraphe, poète, musicien, bouddhiste et économe de mots.

——-

Autres réflexions poétiques

“Parmi les époques, j’aime le premier mois, le troisième mois, les quatrième et cinquième mois, le septième mois, les huitième et neuvième mois, le douzième mois ; tous ont leur charme dans le cours des saisons. Toute l’année est jolie”. Voilà, Sei Shônagon a dit ce que je pense et je n’ai pas un mot à ajouter. Rien. Ou peut-être juste ceci : le deuxième mois, le sixième et le dizième mois !

(Sei Shônagon, dame d’honneur, attachée à la princesse Sadako qui mourut en l’an 1000. Ses Notes de chevet ont été composées dans les premières années du XIe siècle japonais, au moment de la plus haute splendeur de la civilisation de Heian.


Quelques bonheurs
J’aimerais bien
Percevoir la polyphonie du monde

“Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling …”

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“Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling
erraient le long des routes du royaume de Han

J’aime beaucoup cette nouvelle de Marguerite Yourcenar

“Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling erraient le long des routes du royaume de Han. Ils avançaient lentement, car Wang-Fô s’arrêtait la nuit pour contempler les astres, le jour pour regarder les libellules. Ils étaient peu chargés, car Wang-Fô aimait l’image des choses, et non les choses elles-mêmes, et nul objet au monde ne lui semblait digne d’être acquis, sauf des pinceaux, des pots de laque et d’encres de Chine, des rouleaux de soie et de papier de riz. Ils étaient pauvres, car Wang-Fô troquait ses peintures contre une ration de bouillie de millet et dédaignait les pièces d’argent. Son disciple Ling, pliant sous le poids d’un sac plein d’esquisses, courbait respectueusement le dos comme d’il portait la voûte céleste, car ce sac, aux yeux de Ling, était rempli de montagnes sous la neige, de fleuves au printemps, et du visage de la lune d’été”. Continue reading

Petit haïku d’automne…

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“Dans le champ près du portail,
Agaçant le chat
Tombent les feuilles mortes”

(Issa)

PS. Oui, je sais, c’est l’automne depuis le 23 septembre mais c’est seulement aujourd’hui – le vent est froid et les feuilles tombent – que j’ai envie de déposer ce petit haiku de saison.
Et comme on m’a dit qu’il fallait que mon blog ne soit pas trop débile, je vous signale qu’aujourd’hui, mercredi 22 octobre, le soleil s’est levé à 6h22 et qu’il s’est couché à 16h47. J’aime bien l’automne, c’est une belle saison, mais 16h47 c’est vraiment un truc qui me tue : on n’a carrément plus le temps de vivre !

Liste des petits bonheurs certains

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Premier bonheur absolu : écouter la conversation entre le petit lapin et le chien de la Dame à la Licorne ! Depuis des années, je ne m’en lasse pas.

En automne quand on met de la cire d’abeille sur les vieux meubles et que ça sent bon l’encaustique…

En automne, quand il commence à faire froid et qu’on sent la bonne odeur des feux que les jardiniers allument pour brûler les feuilles mortes…

A Venise, les Bellini de l’Akademia…

Les chiens qui se roulent sur le dos dans l’herbe. Et aussi la façon qu’ils ont de s’essorer en vous éclaboussant qand ils sortent de l’eau ravis alors qu’on leur avait bien dit de ne pas s’y jeter !

En automne, les matins frisquets qui sentent bon le four du boulanger…

Entendre le bruit des rateaux des jardiniers qui passent dans les graviers…

Au printemps être assis sur une chaise au jardin du Luxembourg et regarder les merles sautiller sur le gazon

Entendre, en juin, le bruit des balles de tennis à Roland Garros

Le cliquetis régulier et rafraichissant des petits tourniquets qui arrosent les gazons quand il fait chaud : tchic – tchic – tchic…

Chercher pendant une heure un livre sur sa bibliothèque et, tout à coup, le trouver

Quand on est dans un endroit pas agréable ou une situation ennuyeuse, dérouler l’Aria des variations Goldberg dans sa tête

Quand le médecin approche une radio d’un écran lumineux, qu’il semble regarder une tache bizarre et dit tout à coup après un long silence : “bon, tout est parfait, on se revoit dans cinq ans !”

Quand au lieu de dire : “le président appelle les français à une élection nationale” le speaker de la radio se trompe et dit : “le président appelle les français à une érection nationale”

Quand on habite près d’une école et que le matin on entend les cris d’enfants dans la cour

Quand le présent est immobile et parfait à l’image d’une buse presque immobile à la verticale du ciel bleu

Quand je tombe sur une phrase comme celle-ci (de Claude Roy)
“Après la fin du monde, j’aimerais, dans la liquidation du stock, être chargé simplement de me souvenir de l’odeur des foins juste fauchés, en juin à cinq heure du matin”.

Quand je passe le soir devant la loge de ma concierge qui fait frire des sardines et des patates à l’ail

La lumière des fins de journées d’été quand elle est dorée et rasante. Rembrandt dit qu’il peut y avoir des fins de vies éclairées de cette lumière là. J’espère.

Tomber par hasard sur une phrase qui dit ce qu’on pensait sans savoir l’exprimer. Celle-ci par exemple de Ruskin : “Venise n’est pas construite sur le sable de la mer mais sur le sable du sablier”.

Certaines rues de Paris bordées d’arbre où, certains jours d’été, baignées de soleil, on a l’impression qu’au bout il y a la mer…

Les vieilles maisons où les meubles sentent bon la cire d’abeille et l’encaustique…

Le parfum des grosses pivoines au printemps…

Le beauté des vieille glycines, le parfum des chèvrefeuilles et la blancheur des seringas (ou seryngas ?)

Au déjeuner, tout à l’heure, il y avait un type avec une très jolie noire qui prenaient un café. Lui avait fait des tas de voyages dans les pays lointains : népal, viet-nam etc. Elle, sans doute pour le convaincre qu’elle n’était pas nulle, lui racontait qu’elle avait visité beaucoup de pays en europe : “l’Italie, l’Espagne et l’Autruche“… C’est bète mais des trucs comme ça, moi ça me met de bonne humeur pendant des heures ! Oui, oui, je sais ce n’est pas bien d’écouter ce que disent les gens à la table voisine.

Hier, ciel bleu et tout à coup déluge de pluie. Sorte de giboulée, presque une raffarinade. J’attends devant l’entrée du boucher pour ne pas être trempé. Arrive une maman avec son enfant qui chante à tue tête : “ohé – ohé – matelot !” – Je ne savais pas qu’on chantait encore cette chanson au troisième millénaire. J’ai oublié la pluie et j’étais presque heureux.

Liste à continuer…

Et pendant ce temps là nos hommes politiques parlent…

teresa.jpg Bon, au risque de passer pour nunuche dans ce Blog, je veux tout de même dire un mot sur mère Teresa de Calcutta, béatifiée avant-hier par Jean-Paul II. Elle aidait les pauvres en vivant parmi eux. Elle avait du respect pour l’individu, pour sa valeur propre et sa dignité. Les plus solitaires, les plus misérables, les indigents, les mourants de faim, les lépreux abandonnés étaient reçus par elle et sont encore reçus par ses sœurs avec une compassion simple, chaleureuse dépourvue de consescendance, inspirée uniquement par la révérence pour le Christ présent dans l’homme. Sa voix, son humilité, son physique courbé sont connus de millions d’hommes dans le monde entier. Elle rayonnait d’une foi inébranlable, d’un espoir invincible, et d’une charité extraordinaire. Combien d’hommes politiques – allez, je compte large, disons depuis une trentaine d’année – combien lui arrivent au tiers du quart de sa cheville ? Aucun ! Ces êtres là nous font cruellement défaut ! Voilà c’est dit !

Wouf ! on veut notre soupe à l’heure normale !

fluffy.jpg Le passage à l’heure d’hiver, je n’y arrive carrément pas. Fluffy, Ruffle et Baba non plus d’ailleurs. A 6h ils veulent aller faire leur tour. Pas question de leur dire qu’on fait désormais pipi à 7h. Pareil pour le dîner, comment leur expliquer qu’il faut attendre ? En fait j’aime bien leur côté rebelle et c’est eux qui ont raison : qu’on nous rende l’heure du soleil, une fois pour toute ! Tenez, en leur honneur, cette phrase de H. de Montherlant dans ses Carnets (1924-1972) :

“Quelquefois, un chat, un chien me saisit par sa beauté. A la surprise que je ressens, je réalise que – depuis des mois et de mois – les seuls êtres nobles que j’aie rencontrés sont … des chiens et des chats”.

J’ajouterai seulement : … et quelques femmes aussi, qui à mes yeux sauvent l’honneur de …l’humanité.

Je vais écrire mon testament, on ne sait jamais !

free4.gif Hier René B. – un de mes chers vieux amis – m’envoit un mail : “Je m’inquiète, que se passe-t-il ? j’essaye de me connecter sur ton blog, la page est blanche. Que puis-je faire pour toi? J’espère que tu n’es pas mort”…
Voilà les vrais amis : vous n’êtes pas là et aussitôt ils s’inquiètent… Merci René ! En fait je n’étais pas mort mais c’était le serveur de Free qui plantait. Mais du coup, ça me donne une idée : je vais rédiger mon testament et le mettre son mon blog. Comme ça, René, s’il m’arrive quelque chose, tu sauras ce qu’il faut faire !

Démocratie, médiacratie et … médiocrité tout court !

mariane22.jpg Ils recommencent à jacasser dans les médias à propos du choix d’Evelyne Thomas pour incarner Marianne dans les mairies de France. Quand la frontière est franchie, il n’y a évidemment plus de frontières ; et cette frontière-là a été franchie il y a belle lurette quand – à l’époque – ils ont choisi Catherine Deneuve et Brigitte Bardot ! Il est donc trop tard aujourd’hui pour s’offusquer. Le jour où ils ont renoncé à l’allégorie et aux symboles abstraits pour incarner la République, ils se sont condamnés à ce que leur République de ciné ou de télé ne mérite plus le respect. Evelyne Thomas, ou une fille de StarAc’ ou carrément Mickey Mouse, quelle importance à partir du moment où, pour ces idiots médiatiques, plus rien d’essentiel n’a désormais d’importance ! Tragik.

PS. Comme je le rappelais déjà en août à propos de TF1 Henri de Montherlant déclarait : “Je me considère depuis un certain nombre d’années comme un étranger vivant en France et dès lors je me sens tenu de ne pas faire paraître des appréciations sévères sur le pays où je réside. C’est une règle de savoir-vivre pour quiconque réside en pays étranger”. J’aimerai pouvoir m’en tenir à cela et savoir réagir avec la même indifférence ! (mais vous voyez, je fulmine encore et n’y arrive pas !)
— NB. Ce post date de 2003 –
Manier la démocratie avec des pincettes
La démocratie représentative et les perles aux cochons

Nonante-cube et nique ta mère…

933.gif Avant ils disaient “Seine-Saint-Denis” et puis ils ont dit “le quatre-vingt-treize” et puis ils ont dit “le neuf-trois” et maintenant – si je suis bien renseigné – ils disent “le neuf cube”… Demain je ne sais pas comment ils vont dire mais ma copine suisse qui habite Genève (et n’est donc pas très au fait des parlers locaux – pardon, de l’ensemble des occurences sémiotiques enregistrées au sein de ce domaine linguistique) – ma copine donc dit “nonente-trois”… Je vais lui dire qu’il faut maintenant dire : “nonante cube !”

La paroles, le vent et le citronnier …

monks3.jpg Ichien Muju (1226-1312) rapporte qu’un coup de vent balaya les paroles du prédicateur et emporta le texte de son sermon jusqu’aux branches du grand citronnier. Pris au dépourvu et ne pouvant les récupérer, il passa tranquillement parmi ses fidèles en disant : “Quant aux détails de mon enseignement, vous les trouverez dans les branches du citronnier”. Il prit les dons de ses fidèles en passant et partit sans ajouter un mot.

Lancer sa prière en désordre dans le vent

“Merci d’avancer vers l’arrière !”

retrodor33.jpg “La qualité retrouvée des années 30” c’est le slogan de Rétrodor chez mon boulanger. Pourquoi cette précision bizarre “des années 30” ? Partout, c’est carrément “en arrière toute” : Patrick Bruel a du succès avec ces années-là… Dans le Monde d’avant-hier, le délégué à l’enseignement scolaire évoquait le “retour d’un uniforme” à l’école”.. Même dans le bus j’entends de plus en plus : “merci d’avancer vers l’arrière”. S’il continuent tous à avancer vers l’arrière, chouette, je vais vite retrouver mon train électrique ! Mais bon, faudrait tout de même s’arrêter au bon moment : la fin des années trente ça n’a pas été si marrant. Je n’y étais pas mais, bon, j’en ai entendu parler ! Brrrrrrr.

Immobilité et méditation…

buddhabirds3
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Un jour, alors qu’il était assis en méditation au pied d’un arbre, le bouddha Sakyamuni – nommé Sankhãcãrya d’après sa coiffure en forme de conque – était si parfaitement immobile qu’un oiseau déposa ses œufs sur son chignon en forme de conque. Au sortir de sa méditation, identifiant la méprise et afin de ne pas risquer d’effrayer la mère, il forma le vœu et pris la résolution de se replonger en méditation jusqu’au moment où les oisillons seraient en âge de s’envoler…

Sankhãcãrya-avadãna Tumshuq
sculpture, VIe – VIIe s.


Mon autoportrait en petit singe enchaîné…
Un surplace de plus en plus immobile…
J’aurais l’air de quoi si j’étais un oiseau ?

Des petits tonnelets en bois comme carte de crédit !

Dans son Journal, Albrecht Dürer parle d’un voyage qu’il a fait aux Pays-Bas de juillet 1520 à juin 1521. On le voit partir de Nuremberg en emportant des lots de gravures enfermées dans des petits tonnelets de bois et s’en servir comme monnaie d’échange sur la route. Aux gens qu’il rencontre, à un noble ou un évêque bienveillants, il donne une gravure en matière de remerciement… A un seigneur portugais rencontré à Anvers qui lui avait fait cadeau d’un petit perroquet vert, il offre quelques bois gravés… Il donne à maître Bernard, une Passion sur cuivre qui lui remet en échange une bourse noire d’Espagne valant trois florins… Il offre aussi une Passion sur cuivre à Erasme de Rotterdam (image).
J’aimerais bien qu’on puisse encore se balader en europe comme Dürer, d’auberge en auberge et où, le soir après dîner, on puisse tirer le portrait à l’huile d’un tavernier de Nüremberg pour payer nos chopes de vin ! Mais maintenant on a la commission européennen, des mac Donalds et des bandes d’arrêt d’urgence sur les autoroutes…
Je ferai le voyage avec Dürer dans une autre vie ; avec des petits tonnelets de bois à la place des cartes de crédit en euros !

Ah la “vieille europe” avait du bon ! et La vieille chrétienté aussi !

Expo du 24 septembre au 5 janvier 2004 au Musée Condé à Chantilly
Albrecht Dürer (1471-1528) et la gravure allemande”. 34 gravures, 6 dessins de son album de voyage aux Pays-Bas (1520-1521) ainsi que des œuvres de Martin Schongauer et Albrecht Altdorfer…

Les simples de Dürer
Des ailes de Dürer
Une chauve-souris de Dürer
Le magnifique lièvre de Dürer…

6 minutes 15 secondes !

feuille2.jpg En voyant tomber une belle feuille jaune, je me suis dit: “tiens, la prochaine qui tombe, je fais une photo”. Et me voilà planté sous l’abre avec mon appareil… à attendre… qu’une feuille… veuille bien ….. …..
La précédente s’était détachée là, sous mes yeux, donc une autre feuille allait bien finir par tomber ; c’est l’automne, non ? Eh bien croyez le ou non, j’ai du attendre 6 minutes 15 secondes (en fait beaucoup plus car j’en ai raté plusieurs avant d’attraper celle-là). L’automne est une saison magnifique.

Le Dalaï Lama est à Paris pour huit jours d’enseignements. L’automne cette année est donc vraiment une saison magnifique

Virgile, reviens, ils sont devenus fous !

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Je lis, dans le Monde de ce soir, que le Parlement européen allait (enfin) soutenir les apiculteurs dans leur combat contre l’insecticide Gaucho, responsable depuis des mois d’une véritable hécatombe de milliers d’abeilles. Le Régent – autre insecticide concurrent du Gaucho – décime également les abeilles (des analyses ont montré la présence en grande quantité, dans le tube digestif des abeilles mortes, de fipronil, la mollécule active du Régent). Des milliers d’abeilles meurent donc mais je n’entends pas parler d’un moratoire, ni même d’un refus explicite d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Pire, j’apprends que, pour traiter 25 000 décisions d’AMM par an, il n’y a que trois fonctionnaires, ce qui fait donc par fonctionnaire – je prends ma calculette – 32 décisions par jour ! Quand toutes les abeilles seront mortes les politiques auront des trémolos dans la voix et ils nous feront un “grand plan de sauvetage des abeilles” ! Mais il ne restera plus que des bourdons, des rats et des pigeons… Il n’y a déjà presque plus de moineaux….

13/10/2003 :: 13:57 – A propos de la disparition des abeilles au Nepal ou au Tibet, Anne-Marie Ducroux me parle d’une photo qui l’a touchée – et sa description me touche à mon tour – montrant des habitants qui, tous les jours, n’ont plus d’autre solution que … de pollenniser eux-mêmes toutes les fleurs, une par une, à la main, avec leur petit sac de pollen en bandoulière … Chaque fleur, de fleur en fleur, comme des papillons… Le coeur se serre.

J’irai le dire aux abeilles du luxembourg

Ruches en février – Les très riches heures du Duc de Berry
1412-16 Frères Limbourg, Musée Condé, Chantilly


Autres disparitions…
Disparition existentielle de Rilke
Disparitions des boites aux lettres…
et aussi
The Alphabet Fades Away
La disparition de l’écureuil
Disparition du peintre

Arthur a de la chance

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Arthur a de la chance. Il n’a que huit mois et pendant que je suis enfermé dans un petit bureau parisien, il gambade dans les champs en italie près de Bologne. Julia, qui le ballade le soir avec les chiens, vient de m’appeler sur son portable : “je suis avec la bande des chevaux, il y a plein de vent, la lune est pleine et le ciel immense”. A Paris il pleuvasse, le ciel est couvert et je viens d’ouvrir mon frigidaire : pas la moindre botte d’avoine… Ce n’est sans doute pas très intéressant à noter dans un blog mais bon, je crois que je vais me remettre aux céréales !

Un peu fort de café !

coffe3ani.gif Je ne sais pas si je suis réactionnaire ou pas mais, depuis presque deux ans, mon café a pratiquement doublé de prix et le service s’est carrément effondré : avant j’avais des petits morceaux de sucre dans un beau sucrier; maintenant c’est du sucre dans une espèce de truc effilé en papier minable. Avant j’avais une belle petite cuiller (en argent), maintenant j’ai parfois une espèce de spatule en plastique du plus mauvais genre. Donc je ne sais pas ce qui se passe mais qu’on ne m’explique pas que cette petite spatule minable est une grande avancée sociale ! C’est une régression absolue de la civilisation, une de plus. Si ça continue il n’y aura plus de raisons de continuer vivre dans ce pays en voie de sous-développement.

Un pur bonheur cinématographique

lenin2.jpg Oui je sais, je suis sans doute très en retard pour vous signaler ce film de Wolfgang Becker, mais je ne l’ai vu qu’hier et ne pouvais donc pas en parler avant: c’est carrément génial, unique, magnifique, drôle, subtil, intelligent, imaginatif, poignant, étonnant, exceptionnel, admirable, formidable, incomparable, remarquable, superbe, épatant, époustouflant… bon allez, j’arrête mais promettez-moi d’y aller. C’est carrément trop bien !

L’illettrisme fait des ravages !

dunhill01.jpg Je suis stupéfait de constater que (certains de) mes amis continuent de fumer en dépit du message en grosses lettres qui barre leurs paquets de cigarettes (en caractères plus gros que la marque elle même !). De trois choses l’une : soit le message est faux et il faut l’enlever ; soit ils ne savent pas lire (grave pour des potes à moi !) ; soit leur cerveau ne fonctionne plus… Dans les trois cas c’est tragique. On leur dit : feu rouge, vous vous arrêtez, ils brûlent les feux rouges ! On leur dit : fumer tue, ils fument ! Il y a même une quatrième chose l’une : comment diable l’Etat ose-t-il prélever des taxes sur un produit qui tue ? J’ai honte pour lui. Les dealers font pareil : ils se font aussi du fric sur des drogues qui tuent ; mais au moins ils n’ont pas pignon sur rue ! Je ne comprendrais que si les taxes sur le tabac étaient reversées, sou pour sou, à la lutte contre le cancer du poumon. Arggghhh !

Quand les caractères s’incrustaient dans le papier…

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Je suis en train de lire Baltiques, des poèmes de Tomas Tranströmer et tombe sur cette phrase :

“Je regardai le ciel et le sol et tout droit ; et j’écris depuis lors une longue lettre aux morts sur une machine qui n’a pas de ruban, seule une ligne d’horizon ; ainsi, les mots cognent en vain et rien ne reste”.

Du coup je me relève et sors ma vieille Corona que je n’avais pas utilisée depuis des siècles. J’enlève la poussière, le ruban est complètement usé, je tape un mot. Merveille oubliée : dans une splendide claque métallique, les caractères viennent s’enfoncer profondément dans le papier comme des pattes d’oiseaux sur la neige…
C’est ce qui me manque le plus sur mon Mac : que ce soit une machine qui n’ait pas de ruban… Que les lettres ne puissent pas s’incruster dans le papier, qu’on ne sente pas que ça s’enfonce dans quelque chose… Rien : un pauvre cliquetis sans profondeur sur un écran RVB. C’était mieux avant, non ? Et ce qui manque aussi c’est le “retour-charriot”, le plaisir de pousser le chariot d’un geste vif en bout de ligne, avec la petite clochette…Allez, faut arrêter la nostalgie… Je vais aller me faire un café.

Quelques bouts de nostalgie

Nostalgie des coquelicots et du sourire de la petite boulangère
Mesurer le temps et sa vie en matins
Nostalgie des temps heureux
Remonter le temps en rentrant dans les tableaux
Nostalgie des petits villages
Quand les caractères s’incrustaient dans le papier

Se mettre face au mur pendant dix ans…

hero.jpg Je ne vais pas me mettre à faire ici de la critique ciné mais Hero, le dernier film de Zhang Yimou n’est pas un film sur les arts martiaux. Tracé à l’encre de chine comme ces idéogrammes qu’un vieux maître chinois de la calligraphie du moyen-âge avait inventé en observant les mouvements d’une femme pratiquant les arts martiaux, c’est une fabuleuse méditation spirituelle sur la violence. Une fantastique partie de Go mental et une magnifique méditation sur la notion asiatique de “se rendre compte”, notion pour laquelle, nous dit Zhang Yimou, il existe en chine un mot particulier qui signifie “le fruit d’une longue réflexion” – réflexion qui peut prendre un temps infini comme la contemplation d’un idéogramme mystérieux tracé sur le sable par un maître spirituel. Une formule du bouddhiste Chan conseille de “se mettre face au mur pendant dix ans”. Ce film – à des milliers d’années lumières de notre Occident matérialiste en voie d’effondrement spirituel – est une fulgurante chorégraphie sur cette méditation nécessaire pour parvenir précisément au stade de “se rendre compte”. Un film magnifique donc. Et les reproches des critiques (eux-mêmes serviles) sur la complaisance de Zhang Yimou à l’égard du pouvoir chinois n’ont évidemment – s’agissant du film – strictement aucun intérêt.

Méthode globale ou Métdohe gallboe ?

blackboard.jpg La démanstrotion ne vaut, piarat-il, que si le mélange des letters n’est pas ecessxif. Mais il sembelrait (cf Le Monde d’hier soir) qu’il ne siot pas nécisearse d’aivor toutes les letrtes dnas l’ordre puor saisir le snes des mots. Au début je ne viulaos pas le croire mias bon, il sembleriat que l’odrre des ltetres dnas les mots ne siot pas si déternimant que ça pour peu que la pmerière et la drneière lettre soient à la bnone palce. J’ai eassyé et ça marhce ! Mais, qoui qu’il en siot, je rsetee évedmemnit un farouche opposant à la métodhe golable d’appnristsgaee de la lecture si c’est l’idée qui est derirère cette étdue bzirrae de l’Uvinertisé de Cmabridge.

Bon, c’est sans doute intéressant pour le fonctionnement du cerveau mais totalement débile pour l’orthographe et carrément apocalyptique pour la culture (enfin ce qui en reste). J’ai vu qu’ils en parlaient aussi dans Télérama; c’est mauvais signe. Vous savez quoi ? Je vais me coucher avec un bon livre (en orthographe traditionnelle !).

site de composition de vos propres textes

Article du Monde d’hier soir : “Le creaveu hmauin lit le mot cmome un tuot”

“LE CANULAR fonctionne à merveille. Depuis une quinzaine de jours environ, circule par courriers électroniques un court texte qui affirme que l’ordre des lettres dans un mot n’est pas déterminant pour sa compréhension dès lors que la première et la dernière lettres sont conservées. Cela donne : “Sleon une édtue de l’uvinertisé de Cmabrigde, l’odrre des ltteers dans un mot n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soit à la bnnoe pclae, est-il écrit dans ce texte. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlblème. C’est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.”
Ce txete a cnnou un scucès fgruulant. Le moeutr de rcechrehe Google tourve puls de 500 occrurences dans les steis franocphones. Muiex econre : la vsieorn angloophne a été reripse sur puls de 4500 steis. “Aoccdrnig to a rscheearch at Cmabrigde Uinervtisy, it deosn’t mttaer in waht oredr the ltteers in a wrod are…”, prévenit le ttxee. Iedm puor l’eagpsnol, où 650 setis au mnios cietnt la “etsduio de una uivenrsdiad ignlsea”. Des versoins silmireais snot dosniibples en dinoas, en amllaend ou en néeandarils.
L’ongriie du txtee ne puet être féxie précisémnet. Psieuurls seits ont tarqué en vian l’atueur de cette transoformatin. Queeqlus-uns snot roemntés jusqu’à un corurier des letcuers pulbié en mai 1999 par l’ hebdadoimare New scientist, où un ainecn thésrad rocante aovir trlaavilé sur le sejut. Mias d’étdue réailsée au sein de l’uvernsiité de Camgribde, auucne trace. “A ma connaissance, il n’y a eu aucune publication sur ce sujet de la part de mes collègues de Cambridge”, note Jonathan Grainger, dericteur du labo de psychloogie coignitve à Aix-en-Prevonce (CRNS).
Bien qu’ “aumsé” par le mail, le chehrcuer réftue une pirtae de la thèse aavncée. D’aobrd prace que le txtee prifote du nmobre iptanomrt de mots de mions de qautre ltteers, qui ne pneveut pas être mdofiiés : dans la pmerière pahrse du mial, sules 15 des 32 mots snot trasfonrmés. La pluaprt des vbeers retsent idinteques, ce qui mnatieint la stucurtre grmamaticale du txtee.
La démanstrotion ne vuat que si le mélgane des letrtes n’est pas ecessxif. Pour rsteer clair, le txtee tsnraformé diot gerdar un minimum de la structure de chaque mot (mminium de la sructrute de caqhue mot) et ne pas conduire à une trop profonde transformation (une torp pnrfodoe tfitnrsmaroaon). “C’est à la condition qu’il n’y ait pas trop de modifications que le lecteur n’a pas besoin de toutes les lettres ordonnées pour comprendre”, suoligne le liugniste Alain Bentolila. Puor s’en ccnnaoivre, il sffuit de s’esesyar au pragromme de mélngae des ltetres mis en place par un aritste sédiut par la démrache sur le stie http://www.teleferique.org/stations/Cliquet/scripts/chogpyrit. Un travail de ouf”.

Article de Luc Bornner paru dans l’édition du Monde du 01.10.03, page 10

Tout est devenu trop compliqué !

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C’est trop compliqué. La vie, tout… Tout est devenu beaucoup trop compliqué. Je trouve que c’était beaucoup mieux avant. Quand je dis ça à mes amis, ils me demandent : “avant quoi ?” et là je ne sais plus très bien quoi répondre parce que je crois que je remonte assez haut dans le temps et que si je leur disais la date exacte ils prendraient peut-être peur. Heureusement l’automne arrive : c’est l’époque des marrons par terre, des belles feuilles qui tombent, des rudbeckias jaunes, des noix fraîches avec du bon pain et du vin, des omelettes aux champignons et des feux dans la cheminée… L’automne est ma deuxième saison favorite !

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