Étendre notre ‘Erouv’ intérieur et agrandir nos frontières mentales …

J’ai relu récemment le magnifique petit livre de Sophie Calle sur L’erouv de Jérusalem publié en 2002 chez Actes Sud. Elle y expliquait que, pendant le Shabbat (qui dure du vendredi au coucher du soleil au samedi après l’apparition des deux premières étoiles), le repos absolu est obligatoire pour les croyants. L’interdiction de travailler inclut celle de porter hors de chez soi un quelconque objet (des clés, un livre, un sac, un landau…). Protégée par sa muraille, la vieille ville de Jérusalem est considérée comme un domaine privé ; point n’est donc besoin de fil. La ville moderne, en revanche,pour devenir un erouv, doit s’entourer d’un fil. Celui qui encercle la ville de Jérusalem mesure environ cent kilomètres. La ville devient ainsi le domicile privé. L’erouv s’allonge chaque fois qu’un nouveau quartier se constitue à la périphérie des villes. L’erouv est une frontière mobile qui marque l’expansion de la ville. ->

Je trouve éminemment intéressante cette question de “mur imaginaire” et “d’extension de la frontière invisible”…

Sur le plan spirituel, mais aussi intellectuel, c’est peut-être précisément cette “frontière intérieure” que nous n’étendons pas assez. Si nous pouvions étirer et agrandir notre espace mental, en élargissant notre “erouv” bien au-delà de notre ego, l’humanité se porterait sans doute infiniment mieux : tirer des fils invisibles pour l’étendre et l’élargir très au-delà de notre propre nombril … Mais bon, je divague et m’éloigne de la notion stricte d’erouv décrite par Sophie Calle. Mais que voulez-vous, je ne peux pas m’en empêcher…

Les erouvim sont créés en érigeant des poteaux (espacés de trente et cent mètres selon les cas) et en les connectant par l’intermédiaire de filins, de fils, ou de cordes formant un mur imaginaire. invisible aux autres, l’erouv n’a en fait de sens que pour les religieux. Un contrôle de l’erouv est effectué tous les mercredis, les jeudis ainsi que les vendredis matin, par un inspecteur de l’erouv qui dépend du Conseil religieux de Jérusalem. Dans certains cas, des petits bouts de tissu coloré sont attachés au fil pour faciliter la tâche de l’inspecteur et afin que, par temps de brouillard, il puisse discerner une brèche éventuelle.

Toute rupture du fil constatée et rapportée le mercredi ou le jeudi est réparée au plus vite. La vérification est accomplie dans la matinée du vendredi. Toute détérioration bénigne constatée le vendredi est réparée sur-le-champ. Si les dégâts sont trop importants et que les réparations ne peuvent être effectuées avant le début du Shabbat, cela est annoncé immédiatement par les rabbins dans toute la communauté. Ce qui entraîne l’interdiction de porter tout objet hors de chez soi tant que la réparation n’aura pas été effectuée et que la ville ne sera pas à nouveau encerclée et protégée par l’erouv. Dans la ville de Jérusalem, environ quarante pour cent de la population juive observe la loi de l’erouv. Il existe des erouvim hors de l’État d’Israël, comme par exemple à Riverdale, dans l’État de New York.

(Tous les textes sont extraits du livre de Sophie Calle publié chez Actes Sud)

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L’ ‘erouv’ de mon univers rétrécit de plus en plus…

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