La cigogne n’a pas seulement un long bec rouge. Elle a une âme !

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Je reviens juste trente secondes sur cette histoire de définitions des dictionnaires – vous savez, ces définitions qui nous permettraient, comme avec un manuel technique, de refaire la Création si par malheur on avait à se taper un nouveau Déluge…

Oui, je sais que c’est complètement fumeux mais que voulez vous, je suis alsacien à la tête carrée, et quand les définitions ne sont pas précises dans les dictionnaires – même si les gens s’en foutent – moi ça m’horripile. Donc je disais que, pour le merle, la définition était carrément inutilisable. Et pour les cigognes c’est encore pire; et je m’y connais en cigogne car quand j’était petit, je les ai fréquentées un maximum.

Dans un dico normal on vous dit juste un truc du genre :

“CIGOGNE, subst. fém. − Oiseau migrateur de grande taille, à longues pattes et à long bec…”

On voit bien qu’ils ne connaissent rien à la joie des cigognes quand, dans l’air printanier de mon enfance qui sentait bon les kugelhof et les Lintzertarts, elles survolaient magestueusement les petits villages alsaciens en planant avec leurs grandes ailes noires et blanches… Tous les enfants du village accouraient de partout pour les voir arriver et tournoyer longuement au-dessus du toît de l’église où, (comme ils le font maintenant pour les Roms qui exigent des aires d’accueil), le curé et le maitre d’école avaient soigneusement préparé, avec une immense espérance au fond du cœur, un magnifique nid d’accueil.

Donc, avant de se tirer dans le sud quand elles commençaient à se geler les fesses dans leur nid, ces cigognes passaient du bon temps assises carrément au sommet de l’église : elles connaissaient donc pratiquement par coeur toute l’oeuvre de Bach pour orgue. Elles devaient aussi connaître le patois alsacien et quelques vers de Goethe (Wer reitet so spät durch Nacht und Wind?). Les recettes de la choucroute, du bäckeoffe et des spaetzles aussi… tout ça dans des vapeurs lumineuses et joyeuses de riesling ou de sylvaner.

Et donc ce que ces maudits dictionnaires passent sous silence c’est justement tout ça ! qui fait précisment qu’une cigogne est vraiment une cigogne. Parce qu’ensuite, elles se cassent. Les unes traversent le bosphore, planent au-dessus de Sainte-Sophie et vont atterrir au bout de la Corne d’or, vers le café de Pierre Loti, là où je les ai vues couvertes de poussière à se croquer quelques grenouilles turques dans un air parfumé de jasmin. Les autres s’envolent plutôt vers l’Espagne : que voulez-vous, la musique arabo-andalouse continue d’attirer les cigognes les plus mélomanes… Sur leur gauche, de très haut, elles voient miroiter la méditerrannée, survolent l’Andalousie et les immensités de champs de blé et vont atterrir tout là bas en bas, là où les gens mangent des tapas le soir en écoutant Albéniz ou Granados.

Vous voyez bien que la définition du dictionnaire est lamentable. Qu’elles ont plein de trucs à raconter. Des histoires immenses et terrifiantes qui n’ont rien à voir avec le gentillet folklore alsacien.

Et même leur claquement de bec est inoubliable. Ils appellent ça un craquètement mais ça n’est absolument pas ça parce que justement elles ont un problème dont les dictionnaires ne parlent pas : pour les alsaciens, qui les voient arriver au printemps, elles font des “clac clac clac” – plutôt même des “klak klak klak” car on est en alsace et c’est comme ça qu’ils décrivent leur chant dans l’harmonie municipale locale… Mais en réalité elles sont folles de flamenco et ce qu’elles rapportent en alsace c’est justement cette grande subtilité des castgnettes espagnoles dont je vous rappelle qu’elles ne sont pas creusées de manières égales : il y a d’une part la hembra (femelle) qui est plus aiguë, et d’autre part la macho (mâle) qui possède un son plus grave, ce qui permet des couleurs et des variations de sonorités très différentes lorsqu’elles s’entrechoquent. Et vous pensiez que c’était juste un “clac clac” banal ! Mon Dieu, mais vous ne connaissez rien aux cigognes !

Je vous en foutrais moi du – “Oiseau migrateur de grande taille, à longues pattes et à long bec…”

L’image de la joie : le claquement de bec des cigognes !
Marre qu’on nous raconte des crasses
Voyager dans un plat à oeuf …
Les définitions des dictionnaires sont inutilisables
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L’image en haut est du grand Hansi.

Si on avait à refaire la Création après une guerre nucléaire ? sriiii, pök-pök-pök, tchink et tchouk, tchouk…

AtomicCountBasie
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Comme ils parlent beaucoup de guerre nucléaire en ce moment, je me dis qu’on serait dans une sacrée merde si —  à la suite d’un cataclysme genre bombe atomique (oui, c’est la couverture du disque ‘E=MC2’ de Count Basie que mon frère avait acheté à la fin des années 50 et qui m’a fait découvrir le jazz quand j’étais jeune avant que je ne bascule définitivement dans le baroque) — … donc je disais qu’on serait dans une merde noire si on avait à refaire la Création à partir des seuls dictionnaires de l’Académie … Leurs définitions sont nulles [bon, disons très insuffisantes ] car, avec le peu de renseignements qu’ils nous donnent, on ne pourrait rien reconstituer de façon précise.

Par exemple le merle que j’entendais chanter tout à l’heure, ils disent en gros (je vous la fait courte) :

Oiseau ayant un plumage sombre sans taches (noir chez le mâle adulte, brun-roux chez les jeunes et la femelle) et un bec fort et arqué (jaune chez le mâle adulte), remarquable par son chant : un merle chante, siffle; merle moqueur, rieur, siffleur. Siffler, jaser comme un merle etc…

Bon, très bien, mais si j’avais à refaire la Création, ça ne m’en dit pas suffisamment sur le merle pour refaire ce que j’ai entendu tout à l’heure sautillant joyeusement sur les pelouses du Luco… Je pourrais aussi bien
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